critiques

Nota bene

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A propos du recueil "Au jour : le Jour, Et quand le sentiment sourd" :

Jean Dauby, Les Cahiers Froissart n°39, 1986 :

"..du court poème à la nouvelle en passant par la fable. L'unité vient du style : c'est l'objectivité de l'entomologiste,…Plus littérairement, il n'est pas interdit de faire référence à l'exigence stendhalienne, ou au sens de l'humour gris. On en arrive parfois à l'ascèse verbale..."

Daniel Sauvalle, Jointure n°12, hiver 1986-1987 :

"...Amour, mort, enfance, joies simples ou blessures secrètes, maints thèmes sont abordés auxquels un style précis, inattendu, toujours maîtrisé donne unité de force et de ton.."

Guy Ferdinande, le dépli n°26 :

" Petits pastels poétiques en forme d'abstractions légères sur les choses perçues à même une évidence parfois sans complaisance: "sur la plage / un chien en liberté / des enfants tenus en cage / ils jouent aux immondices / le chien en passant / lèchent les enfants / ils crient". Guy Chaty, avec ses petites pièces de morale discrète, serait-il un lointain successeur de Jean de La Fontaine ?"


A propos du recueil "L'âme des pierres" :

Jean Cussat-Blanc, en introduction à "l'âme des pierres" (1993)

" …C'est sur Paris que Guy Chaty est en contemplation poétique d'œuvres qui lui ouvrent l'âme des pierres. Spectateur-acteur, par ce regard qui reçoit, par le mot maillet et burin, qui fouille, façonne, souriant ou caustique, discret ou indiscret - mais toujours économe des mots et des gestes, il découvre et propose cette étrange espérance que nous avons nommée et qui allie - "lisse enfant déjà femme" l'innocence diabolique de ces corps figés à la statuaire pureté de la brute animale ou humaine.… En l'âme des pierres un statuaire inscrit en traits vifs et secrets, ses interrogations sur la condition humaine."


A propos du recueil "Anatole et son chat"

Jacques Lucchesi, critique dans la revue Alexandre, septembre 1998.

"... En 37 courtes proses poétiques, CHATY a signé un recueil que l’on ne risque pas d’abandonner en cours de lecture, tellement son humour et sa tendresse nous entraînent sans effort de page en page. Si Anatole est un peu idiot, c’est pour mieux nous chuchoter que le monde n’est pas aussi simple que notre mesquine façon de l’utiliser ; que nous aurions intérêt à nous arrêter davantage devant tout ce que nous croyons connaître. Et puis - nous le savons, - l’idiotie a étymologiquement partie liée avec la singularité. Alors, il faut aller à la rencontre de cet Anatole et des autres, ceux qui lui ressemblent et que nous avons un jour trop rapidement croisés. "

Daniel Sauvalle, la revue Jointure, n°59, Automne 1998.

"... Qu’il évolue dans le possible, ou dans le rêve, ou dans un total délire, Anatole demeure un observateur lucide, objectif, délicat, étonné. Il nous dit ses surprises sur un ton surprenant. Anatole ne peut être qu’un poète... Pour en savoir plus sur le chat, lisez d’abord "Anatole et son chat", c’est justement l’un des 37 poèmes du recueil "Anatole et son chat". Recueil insolite et chatoyant. "

Alain Hélissen , la revue Sapriphage, n°34, Automne 1998.

" Au gré d’une quarantaine de petites poses incongrues, Guy Chaty nous fait découvrir le personnage d’Anatole ...Les aventures d’Anatole sont sans doute trop incroyables pour être vraies mais leur lecture nous laisse comme au sortir de cauchemars, dans cet état intermédiaire entre la réalité extérieure et les dernières agitations de fantasmes venus on ne sait d’où. Anatole et son chat ne font rien pour percer le mystère. Un mystère qui ressemble quelque peu à celui de la création littéraire."

Gil Refloch, la revue Quimper en poésie, n°24, octobre 1998.

" ...En 37 tableaux en prose dont certains sont de véritables petits joyaux d’écriture, Guy CHATY, par petites touches impressionnistes, brosse pour notre seul plaisir l’âpre apprentissage de la vie d’Anatole en société. Regard insolite exigeant du lecteur qu’il se positionne à plusieurs degrés différents de lecture.... "

Lucien Wasselin, la revue Rétro-Viseur, n°77, 3ème trimestre 1999.

"... 37 proses énigmatiques (contes brefs, poèmes ? ) mettant en scène un personnage tout aussi énigmatique, placé dans des situations inquiétantes (du seul fait de l'auteur) où le réel bascule...dans un texte intitulé Les Deux mondes, Guy Chaty ne note-t-il pas :" tout à coup ce monde qui lui semblait bien stable se met à bouger, il vacille, bascule, dérape,..." Et Anatole se met alors à douter car son monde lui "semble moins solide". Peut-être s'agit-il d'une métaphore sur le peu de réalité de ce monde et de l'expression du sentiment d'étrangeté que tout observateur lucide du monde ne manque pas d'éprouver...Le ton est d'une objectivité mécanique, comme détaché : il sert à merveille les intentions de Guy Chaty.


A propos du recueil "Contes cruels", Editinter 1998

Jacques Morin, la revue Décharge, n° 101, mars 1999

" La première partie qui donne le titre à l’ensemble est la plus délectable. Une douce méchanceté, une perfidie suave, un sadisme bien dosé ne font jamais de mal à lire. Guy Chaty allie les trouvailles aux paradoxes, se nourrit de ce que le monde apporte à sa curiosité, mélange rigueur et excentricité, donne enfin cette couleur extrême à ce qu’il pare du nom de conte afin de nous faire croire que ce n’est pas vrai, au fond."

Lucien Wasselin, la revue Rétro-Viseur, n°77, 3ème trimestre 1999.

" Dans ces contes Guy Chaty porte toujours sur le monde un regard narquois d'autant plus dangereux que l'allure est faussement neutre et prétend parfois à l'objectivité scientifique ou technique. L'Hymne aux chauffards est un modèle du genre. Avec une rigueur intellectuelle imperturbable, Guy Chaty va jusqu'au bout des idées ou des hypothèses les plus folles ; ainsi dans Le Loto sur le revenu où les pouvoirs publics décident de "proposer à chaque contribuable une possibilité de gain par l'impôt sur le revenu". Les conséquences sont impitoyables et Chaty les démonte avec le logique la plus extrême. C'est un monde fou, absurde qui traverse ces contes. Mais le lecteur attentif se rend vite compte qu'il s'agit du nôtre. Invitation à le changer ? Guy Chaty s'arrête avant, juste avant."

Jacques Simonomis, la revue Les Hommes sans épaules, n° 16 - 1er sem. 2004.

"Cent vingt ans après Villiers de l'Isle-Adam, Guy Chaty titre de même ses observations et réflexions plus lucides que méchantes. Son regard n'est ni réprobateur, ni vindicatif. Il ne donne pas de leçons tout en traitant - avec un malin plaisir, n'en doutons pas - les défauts et les tares de la société dans des textes vengeurs comme : "La chasse à la voiture sauvage", "Surveillance" (ou d'un certain confort à outrance revisité), "Economies" (ou comment mater l'heure d'été), "Les cimetières", à repenser pratiques, "Les chauffards", à bichonner, car ils "sont un stimulant pour le commerce et l'emploi", les "Explo-sitions", sur les expos qu'il faut avoir vues à tout prix sous peine de passer pour un imbécile. etc. L'être humain, vautré dans l'instinct grégaire des moutons de Panurge, est montré du doigt sans pitié - mais sans férocité, avec même une sorte de compassion désabusée -. L'absurde va crescendo ("Les marches") ou joue d'un habile glissement ("Poisson et poulet") aidé par les mots à sens multiples, le purisme étant "piéocuté " avec désinvolture. Un texte comme "Pauvrethon" (à quoi pensez-vous?) ose parodier le battage médiatique orchestré autour d'une célèbre entreprise philanthropique. "Compartiment" présente un lecteur de joumal empêché défenestré par les Lafcadio de service. Chaque histoire dérape avec humour (noir, la plupart du temps) vers un impossible tout à fait crédible. Ainsi, Guy Chaty nous donne ses idées ‹non conventionnelles ! - sur la guerre, la perfection recherchée par phallus interposé, C.Q.F.D. Il se met dans la peau d'un cigare et va jusqu'à demander à Dieu de revoir sa copie. On attend la réponse... J'imagine le rire de l'auteur en trompette oua-oua ! Décidément, rien n'est sacré pour un sapeur ! Manieur de logique apparemment loufoque mais impitoyable, témoin critique de la marche claudicante du monde, discret pourfendeur d'injustices variables, passant dénonçant les travers humains, satirique épingleur d'aberrations, Guy Chaty, qui est aussi un excellent diseur, nous fait, par ces Contes, penser à Musset écrivant à propos de Molière : "..que lorsqu'on vient d'en rire, on devrait en pleurer "!"

A propos du recueil "Des Mots pour le Rire" , Avant-propos de Jean l'Anselme, Editinter 2000.

Jacques Morin, la revue Décharge, n°107, septembre 2000.

"Après une intro fort à propos de Jean l'Anselme, Guy Chaty que nous aimons particulièrement à Décharge donne à lire plusieurs facettes de son écriture basée sur l'humour sous toutes ses formes. Pour se mettre en couleur, elle fonçait le sourcil. Jeux de mots, d'esprit, paranomases, allitérations, on joue autant sur les sons que sur les sens. Boppy Lapointe n'est pas loin. J'avoue que ce n'est pas le côté de Guy Chaty que je préfère, c'est plaisant mais un peu gratuit. J'aime mieux quand il y a sens fort au-delà de l'amusement, ou en deça, une sorte de gravité qui équilibre l'humour, comme deux pendants indispensables l'un à l'autre... en particulier le superbe texte « Excusez-moi d'être vieux » , modèle de ce que j'aime chez Chaty."

Jacques Fournier, la revue décol'27, hiver 2000.

" Poèmes longs, histoires brèves et aphorismes alternent avec bonheur.. Les textes de Guy Chaty (que certains ont déjà rencontrés dans décol') ne sont pas à prendre au sérieux. Le plaisir est dans leur lecture à voix haute pour en rendre toute la saveur, basée sur un bon mélange de jeux de mots et de jeux de sons. Un petit pour la route ? ''Il pensait avoir un calcul dans les reins Mais ce n'était qu'un calcul mental'' "

Emmanuel Hiriart, la revue Incertain Regard, n°12, octobre 2001.

" Faites l'expérience. Laissez traîner le livre sur la table du salon. Réunion familiale, rencontre amicale : pour combler un instant de silence, se donner une contenance, un curieux s'en empare. Regarde la couverture, le sourcil déjà résigné, soupire : poésie. Tourne quand même les pages, lit quelques lignes pour ne pas avoir l'air bête. Sortez un instant, trouvez un prétexte pour que la conversation flotte un peu : allez chercher l'apéritif, surveiller la cuisine, nourrir le chien...A votre retour le livre circulera de main en main, plusieurs s'en diront des passages, provoquant une franche hilarité, là un attendrissement ému. > C'est que Guy Chaty n'est pas un poète ordinaire. > "C'est un écorché vif / ce gars qui n'a jamais eu de peau, / d'une sensibilité inouïe / dès qu'un mot l'effleure / aïe ça lui fait mal " > d'où peut-être son mariage : > "con-cédé, con-venu, con-sommé" puis son divorce "con-damné, con-passé, con-posé". Et comment s'en con-solerait-il ? > ... > Poèmes longs qui sont sans en avoir l'air de beaux exercices de virtuosité, brèves, calembours parfois exécrables et donc délectables, contes brefs : qu'il s'agisse de maths ou d'amour, d'érotisme ou de téléphone, l'auteur garde le verbe agile. En effet le texte humoristique déplace le regard du lecteur sur le mot, le conduit à faire des con-nexions étrangères au langage quotidien et pourtant joue sur la co-naissance (aurait dit Claudel ) charnelle qu'il a de sa langue maternelle. Les poèmes de Chaty sont souvent presque intraduisibles : c'est dire qu'ils touchent au coeur de la langue. Une lecture con-tagieuse."

Emmanuel Hiriart, sur le site editinter.free.fr du 11/09/02

"Un ouvrage à déguster sans modération pour notre plus grand plaisir"


A propos du recueil "La vie en raccourcis", Editions Clapàs, 2002.

Silvaine Arabo, la revue "Saraswati", n°5, juin 2002

" Poèmes en vers ou en prose essaimant leurs notes poétiques et philosophiques. G.Chaty médite sur la mort, le temps qui passe, l'amour, la vieillesse. On retrouve sa sincérité, son émotion, ses interrogations sur l'existence, sa nostalgie...

J'ai beau raconter aux autres que j'ai été petit, il y a longtemps bien sûr, très longtemps : ils ne me croient pas ! Comment leur prouver enfin, une fois pour toutes ?

Des notations réalistes, souvent poignantes , ici sur la vieillesse :

La vie est un sport de compétition. Il s'agit de s'entraîner pour faire à nouveau, mais difficilement, ce qu'on était capable de faire précédemment, facilement....Ne pas faire mieux, mais presqu'aussi bien. Voilà la performance et seulement par rapport à soi-même

ou :

Quand on est vieux, il vaut mieux s'habiller chic... Quand on est vieux, il vaut mieux...avoir les moyens.

Pas de grandes envolées, mais la somme d'une vie, des constats. Et l'humour (parfois un peu grinçant)...qui permet de récupérer ses billes !... Une écriture personnelle, tout le contraire de ce "lisse" que l'on retrouve trop souvent aujourd'hui. Un regard plein de tendresse."

Jacqueline Brégeault- Tariel, la revue "Poésie-sur-Seine", n°41, juin 2002.

"Guy Chaty a plus d'un tour dans son sac, plus d'un style dans son répertoire. Il a des mots, des profusions de mots, les uns pour se moquer, les autres pour le rire et la rime, d'autres encore pour dire la vie en raccourcis. Et c'est le "petit" qui va parler, celui qui savait sans le savoir, dès le sein conquis de sa mère, qu'il était "Un savant, / Un aventurier, / Un être vivant /" La marche en avant se fait sur deux jambes, la gauche et la droite, pesant plus sur l'une ou sur l'autre, on oscille entre passé et avenir, on prend le temps de rester sur un pied, d'en profiter. "En tout cas, on avance." Les dés du hasard jetés une fois, et une seule, sans recours, font les lots gros ou légers, "Un sac pour chacun, chacun avec son sac", et la loi veille sur les affamés qui regardent ceux qui se cramponnent sur leur sac les bras en arceaux. Ainsi va la vie ! Et il y a la chose, "Cette chose puante installée elle-même au coeur / d'une boue plus floue / où je patauge". Avec Guy Chaty, nous sommes au plus près de la vérité des instants évoqués sans fard, sans nostalgie, comme un constat : le bonheur qu'on ne peut retenir, la solitude d'avant et d'après les amours, le disparition des témoins de l'enfance "Quand ils seront tous partis, qui prouvera que j'ai été petit ?" Le ton est juste, l'écriture fluide, le poète ne triche pas, il nous prend simplement par la main, lui, le petit, et raconte. Mais ce n'est pas un conte."

Philippe Biget, la revue "Poésie/première", n°24 octobre 2002.

" Parcourir les saisons de la vie avec une certaine distance serait-il un privilège de l'âge mûr ?... L'humour n'est pas seulement un costume dans lequel on se glisse pour dissimuler sa sensibilité avec une coquetterie calculée. C'est aussi une façon d'intriguer le lecteur pour mieux l'entraîner là où d'emblée, il n'a pas toujours l'envie de rejoindre le poète. Bref, c'est un style, c'est-à-dire l'essence même de l'art d'écrire. Les lecteurs de Poésie/première ne seront pas surpris d'apprendre que Guy CHATY maîtrise cette technique qui lui permet de nous "raconter sa vie" en des raccourcis qui en disent long. Au fil d'une quarantaine de textes, rien ne nous échappe d'une histoire dont il s'efforce de gommer tout caractère épique, à moins qu'il ne laisse au lecteur le soin de décrypter le trompe-l'œil de son évocation. La chronique est bafouée mais tout y passe depuis la conception (J'étais là quand mes parents m'ont conçu, un peu dispersé c'est sûr, mais potentiellement là : une question de secondes) jusqu'à l'agonie transférée sur celle d'un moineau (Son âme sans doute s'est envolée car il n'a plus l'air étonné de ce qui lui arrive), sans oublier la vie foeœtale, l'enfance, l'adolescence, les amours passagères et plénières, la rage d'exister, la vie sociale. Au passage, il ironise sur la modernité qui ébranle les dogmes de la mythologie et les fondements de la psychanalyse ( n'est-ce pas la même chose ?). Ainsi l'enfant d'une mère porteuse pourra-t-il un jour s'écrier. ''Enfin/ je peux coucher avec ma mère/ sans risque/ l'inceste n'est plus héroïque/ mais je ne peux tuer mon père/ il m'échappe/ Brûlez Freud/ tout est à refaire''. Mais le grand inconfort de la vie reste le rapport au temps présent, si malmené entre passé turbulent et futur impulsif. Pour vous aider à y échapper, je ne résiste pas au plaisir de vous confier la recette un brin zen de notre ami : ''Je m'assois et ne bouge plus/ laissant passer devant moi/ le temps l'importance/ la gloire les baisers/ brindilles dans ruisseau/ Je ne respire que l'air/ je vis de mon sang/ je vide mon moi/ dans l'eau première"


A propos du recueil "Parcours", Editinter, 2002.

Emmanuel Hiriart, le site editinter.free.fr du 11/09/02 ( citant le poème "Les habits" : Je tricote des pensées à longueur d'hiver pour couvrir le dos refroidi de l'inexistence....).

"Le nouveau recueil de Guy Chaty retisse en virtuose les mots d'humour tendre et de sensualité inquiète pour rendre l'hiver habitable."

Dan Bouchery, la revue décol' n°33, automne 2002

"Après le très drôle Des mots pour le rire (chez le même éditeur, 2000), c'est bien à un parcours que nous invite le poète. Tous ces textes ont été publiés en 20 ans dans une vingtaine de revues littéraires. Une sorte d'anthologie. L'occasion de découvrir les diverses facettes d'un poète discret. Si tous les textes ne sont pas à mettre entre tous les yeux, il y a dans ce parcours assez de matières pour que chacun y trouve son plaisir. Chacun hale sa péniche / corde tendue / trébuchant."

Josette Frigiotti, revue Jointure, n°75, été 2003

L'ouvrage de Guy Chaty, "Parcours", porte bien son nom. En effet dans une écriture variée, dépouillée mais toujours aussi musicale - on pense parfois à Guillevic - l'auteur part de souvenirs anodins ou de l'enfance pour finir à l'âge mûr. Entre les deux, Guy Chaty nous donne un éventail très large de poèmes : la lenteur des chevaux / et des choses comme ça (p.15) ou : puis elle retourne sur le parquet ciré pour cacher ses secrets (p.22). Mais très vite le recueil prend de l'altitude, s'ouvre à l'amour fervent, sensuel, avec passion et finesse : Debout ton corps est ouate blanche / que j'enveloppe de mes bras nus (p.37). Plus loin : Un jour j'écrirai un hymne à nos corps / joyeux qui se retrouvent / s'enflamment au premier toucher (p.39). Le recueil s'ouvre au monde aussi, qui nous blesse si souvent, à l'espoir malgré la tristesse : Mes navires / ensanglantés de branches (p.56), mais également au social suite à un voyage : Les enfants affamés tendent des mains avides (p.63, et au final : la libelleule porteuse d'âme brille dans un seul rayon (p.68). On le voit, Guy Chaty est un poète sensible qui observe, qui exprime ses sentiments avec disrétion et dont la pensée, en apparence légère, touche pourtant l'intime profondeur. En un mot, une poésie que l'on doit "écouter" pour mieux la goûter dans le silence, comme une confidence, à mots d'autant plus savoureux qu'ils sont retenus. Une poésie vraie, à hauteur d'homme qui parle au coeur et à l'esprit, comme on aimerait en rencontrer plus souvent.

A propos des deux précédents

Jacques Morin, la revue décharge n°116, décembre 2002

"Le premier recueil parcours propose une relecture de poèmes publiés entre 78 et 99 dans une trentaine de revues, dont un bon tiers a dû disparaître. C'est aussi bien un parcours de la poésie de Guy Chaty qu'un parcours d'un auteur en revues pour montrer leur unanimité et leur créativité. Guy Chaty affectionne en particulier la dimension sonore où les vers se répondent en écho et les formes se répètent. Le second recueil, qui se rajoute aux sept précédents pour former l'oeuvre actuelle de l'humoriste, traite avec un regard, moins goguenard que distancié, de la vie et de l'expérience qu'on peut en avoir, des leçons qu'on peut en tirer, de la vieillesse et de son taux d'usure. Guy Chaty fait sourire, parfois jaune, de raccourcis en courts-circuits."

Jean Marcel Lefebvre, la revue Résurrection n°101, 1er trimestre 2003

" Guy CHATY, dans "PARCOURS" a choisi cinquante poèmes parus en revues.... Les poèmes...sont des instantanés (au sens photographique) comme "La mort du lièvre" (6 lignes), ou des tableaux impressionnistes, comme "Matin" avec quelques blancs typographiques : "Un oiseau est silence / corps léger matin neuf / Une rue silhouette / loin s'ouvre la campagne / le souvenir bleu qui m'éclaire" , ou comme "Tentative d'évasion" toujours recommencée "La mer à marée basse, la mer amarrée, lasse / tire sur sa laisse tendue /...s'étale /... avant de tenter / de nouveau / l'évasion. " Il faut faire connaissance avec ce poète qui ne manque pas d'humour, ni de réflexion, et qui a l'art de donner du goût aux mots.

"LA VIE EN RACCOURCIS" du même GUY CHATY serait un recueil de poèmes. J'y vois plus des chroniques, vers et proses, de l'expérience, une interrogation sans cesse renouvelée sur la vie, sachant que "tout se construit jour après jour / patiemment..." avec rappels et révisions : "La vie c'est comment ?", avec l'envie de parler en paraboles : "La vie est un pique-nique sur terre..." et la fantaisie du poète qui connaît le pouvoir des mots, ainsi : "Prendre la vie du bon côté" se termine par "Il ne faut pas prendre la vie au hasard, "comme elle vient", car grand est le risque de tomber sur un mauvais côté !" Cet ensemble de quarante textes nous donne à penser qu'il faut toute la vie pour apprendre à vivre, comme disait Sénèque, et que "si l'âge (le) force à voir les évidences ", Guy CHATY sait faire le point " en (se) fiant aux étoiles / qu' (il) a peu à peu apprivoisées"."

A propos du recueil "Anatole et son chat / Anatol und sein Katz",traduction Werner Rossade, édition bilingue français-allemand, Editinter 2004

Jacques Morin, la revue Décharge, n°124, décembre 2004


"C'est un recueil qui avait fait l'objet d'un n° spécial de la revue IHV en 1998 et que je n'avais pas lu à l'époque, sa réédition chez Editinter agrémentée d'une traduction en allemand par Werner Rossade me donne l'occasion de rattraper la chose. Anatole est un parent du Plume de Michaux, personnage léger, malléable et fantasque. Il lui arrive toutes sortes d'aventures invraisemblables et loufoques. Il a à la fois un chat dans la gorge pour de vrai et un vrai chat planté dans un manche qui fait office de balai. A l'intérieur, son corps est vacant, creux, ou bien cassant, cassable, il n'est pas rare qu'il se brise quelque chose, tout ou partie, qu'il se disloque, perdant deux dents qui flottent dans l'air, une main qui s'envole, oiseau migrateur, un estomac vomi, comme une poche amovible, voire une tête, pour dialoguer. Dehors, tout ce qu'il fait s'apparente peu ou prou à la démarche scientifique, on est toujours dans l'expérience ou l'expérimentation, lesquelles n'ont pas souvent de sens ou bien si l'on peut en découvrir un, ce sera la conclusion qui se révèlera absurde. On ne peut être que charmé par ce personnage attachant qui vit dans un monde imaginaire entre humour et fantaisie. Anatole possède aussi un chien dominateur."


Philippe Biget, la revue Friches

"Qui est Anatole ? une créature complexe que l'auteur donne l'impression de manipuler à sa guise (mais n'est-ce pas réciproque ?), un peu à la manière d'un clown dissimulant l'émotion ou la perplexité sous le burlesque. Une sorte de Monsieur Plume, et la référence à Henri Michaux vient souvent à l'esprit même si Guy Chaty a su donner à son livre une touche très personnelle conférée par un mélange de situations incongrues, aberrantes, parfois cruelles et d'une tendresse enfouie, comme tapie à l'écart ou plutôt à l'intérieur, et dont la vigilance semble surprendre l'intéressé. Et le chat, direz-vous ? Il n'apparaît qu'à deux reprises au long de ces trente-sept proses poétiques et ironiques. Animal discret et souple mais ô combien symptomatique de l'ambivalence d'Anatole et de l'interaction entre lui et son autre moi. C'est ainsi qu'Anatole s'aperçoit de l'existence d'un chat enfermé dans sa propre tête : miaulements, gratouilles, vibrations, que faire ?

Anatole va dans la cuisine, doucement pour ne pas fâcher la bête. Il boit du lait dans un bol blanc : aussitôt, le chat se calme.

Nous sommes loin d'un humour au premier degré, et cela se confirme de texte en texte, sans lassitude aucune au point qu'une relecture fera percevoir de nouvelles nuances. Parmi les nombreux thèmes abordés, j'ai été surpris de découvrir l'humilité dans le rapport à son propre corps, curieux mélange de stoïcisme et de sagesse orientale."

Werner Rossade, traducteur, Pourquoi "Katz" ?


Die Katze/der Katz et les scrupules de Timm. Vous vous souviendrez qu'on en a parlé, je pense, près de la piscine du petit hôtel ou dans ce beau parc d'Albi. Ton "chat" d'Anatole est un animal un peu comme le "cafard" qui peut être ce petit compagnon de chambre plutôt désagréable, mais aussi un état d'esprit assez noir, sorte de "blues" en Négro ricain."Anatol und seine Katze", ça pourrait être un titre de livre d'enfant tout à fait innocent, mais pas tes textes à signification multiforme qui n'ont rien du tout d'innocent. Le "chat" d'Anarole est du même genre que le "chien" d'Anatole dans un de tes textes de ce livret.Le fait que dans le texte qui donne le titre de la collection, il y a, dans ma traduction, un changement du masculin au féminin, convient, à mon opinion, parfaitement à ta stylisation du "chat" anatolien. Il s'agit d'un chat qu'Anatole a eu et qui est mort ("eine Katze") et, en même temps de l'état d'humeur d'Anatole assez sombre et bizarre ("ein Katz"). Des scrupules grammaticales ne sont pas, je pense, adéquats à la spécifité de ton "Anatole" (D'ailleurs, il pourrait être rassurant pour Timm de savoir qu'il existe en allemand au moins une collection de caricatures (traduite, je crois)ayant trait à un chat, eine Katze, qui est nommé der Katz. Noch etwas auf deutsch : "der Katz" ist auch etwas ganz anderes als etwa "der Kater", le mâle félin, im Gegensatz zu der weiblichen "Katze", donc en français "le chat" et "la chatte").

A propos de "Les Espaces perdus d'Antoine", Editinter 2006

Bernard Fournier

Raconter son enfance demeure une tentation pour chacun parce que le récit nous dédouble : l'enfant se montre à travers les yeux de l'adulte et c'est cette mise en abyme qui rend l'écriture difficile et patiente. Guy Chaty a acquis quelque notoriété par des nouvelles sur fond d'humour, maniant avec dextérité une langue subtile et ingénieuse. Dans Anatole et son chat (Editinter 1998), il prenait le biais du surréalisme pour débusquer l'être morcelé qui vivait en lui. Entre Anatole et Antoine, l'auteur a su retrouver, par le déplacement des lettres, un personnage mi-réel mi-rêvé qui convient parfaitement au bon usage de la nostalgie. Si l'on y prend garde, Anatole fait aussi référence à Anatole France et son Crime de Sylvestre Bonnard qui semble avoir été un des premiers révélateurs de la littérature pour le jeune garçon. La double entrée dans ces récits se révèle alors triple, incluant le recul nécessaire et obligé de la littérature. Dans ces deux registres, de la nouvelle humoristique et du conte surréaliste, l'auteur se révèle un poète des plus sensibles qui soit. Ces récits en prose témoignent d'une époque par petites touches, petites scènes quasi cinématographiques qui font revivre autant l'époque de la guerre et de l'immédiat après-guerre que l'éveil d'un garçon à l'adolescence. « Pourquoi faire coïncider les espaces cachés des premières consciences avec la réalité physique d'où ils sont sortis, puis avec ce qu'ils sont devenus ? Vaine entreprise ». Guy Chaty manie donc le souvenir avec beaucoup de tact et de recul pour mieux appréhender le réel dans toutes ses dimensions authentiques et oniriques. Ce qui importe, c'est celui qui écrit, au moment où il écrit : « le narrateur, passeur d'espaces », « nés d'un lieu et d'une conscience enfantine . ils ne seront vraiment perdus qu'avec elle ». « Passeur d'espaces », ainsi se nomme le poète plutôt que passeur de temps : les deux sont bien sûr liés mais l'accent apporté à la géographie nous indique que pour la conscience, la réalité est première, bien avant la conscience du temps. « J'ai des souvenirs au détour de chaque rue et des morceaux de moi -impossible à exprimer autrement- accroché à des maisons, -il en est plus à dire- à certains endroits surtout. » On retrouve l'atomisation de l'être par laquelle se révéla Anatole et la prudence, la pudeur, de l'auteur qui ne veut ni ne peut tout dire, l'écriture s'en révélant incapable, parce que le temps et l'espace ont changé. L'important dès lors se tient dans cet entre-deux que constituent ces petits récits dans lesquels se développent des espaces particuliers. On suit alors Antoine pendant la guerre, puis dans son enfance mystique d'enfant de choeur, découvrant le plaisir sous bien des formes, les études, les transports de la région parisienne, l'éveil à l'amour, les lieux des grands-parents. Le réalisme se borne simplement à la vision de l'enfant, l'adulte essayant de faire abstraction de qu'il pourrait transformer : la vision est ainsi parcellaire même si elle essaie de dire le tout : le recul de l'écriture suffit à maintenir la distance. Revécus, ces « espaces » nous deviennent communs, tant l'auteur a su les faire « passer ». Ils ne sont donc pas « perdus » pour tout le monde !

Jacques Morin, la revue Décharge n°231

"Il y avait déjà "Anatole", personnage quasi lunaire à la Michaux côté poésie, à sa suite on retiendra, Antoine côté récit, Antoine, c'est Guy Chaty enfant : jusqu'à 16 ans précisément, âge où il prend conscience qu'il existe en tant que "je" et le narrateur de changer de personne. Récit donc largement autobiographique, à travers l'occupation, les divers apprentissages de la vie, les épreuves familiales.Je n'ai pas le même âge que Guy Chaty mais je me suis retrouvé dans son expérience de banlieue, il parle des "6 routes" de Bobigny, je répondrais par les "4 routes" de Drancy, un peu plus loin venant de Pantin sur la ligne d'autobus, titre d'un chapitre. Lisière de la ville et vacances au petit village dans l'Est. Les "espaces perdus", ce sont tous les lieux dans lesquels on a vécu, soit qui ont disparu depuis lors, soit qui ont été transformés et de ce fait sont devenus méconnaissables, soit encore qui n'ont pas bougé mais qui ne correspondent plus à la conscience de l'adulte, lequel n'appréhende plus les choses de la même façon et se sent forcément déçu de ne pas les retrouver identiques à son souvenir, ce qui avec le temps se révèle finalement impossible. Ce récit montre bien un autre aspect de Guy Chaty humoriste que nous connaissions jusqu'à présent, fort et riche de son expérience humaine irremplaçable. Le souvenir, bien stocké dans la mémoire, voisine la corbeille bien ventrue de l'oubli."

Jean-Paul Giraux,la revue Brèves n°79, 3ème tri 2006

Les écrivains ont toujours des problèmes à régler avec leur double. Antoine est celui de Guy Chaty qu'il nous invite à regarder vivre dans ses souvenirs les plus lointains. Il a quel âge, Antoine, pendant l'exode avec sa famille, dans ce village inconnu du Loir et Cher ? Alors, il a peur de tout. De M. Lanin, le fermier, du chien, des cochons et des Allemands avec leurs gâteaux empoisonnés. Est-il héroïque ou gourmand, allez savoir ? Il se risque... D'ailleurs, les Allemands ne sont pas si méchants : la preuve, ils chantent tout le temps. Il faudra attendre quatre ans pour qu'ils déchantent. En attendant, c'est le retour en région parisienne, l'école, les restrictions, les bombardements. L'arrivée des Américains. Enfin ! Tout ce temps pour que la vie se découvre dans le triangle que dessinent pour Anatole l'église, l'école, la maison : on apprend à se servir des patins de la salle à manger, qu'à l'école il faut lever le doigt pour avoir le droit de parler, que les enfants naissent dans le ventre de leur mère, qu'il y a des choses qui font bien plaisir mais qui sont de graves péchés, que dans la hiérarchie des choses désagréables, les piqûres (celles qu'on vous inflige pour votre bien) précèdent la piscine et la gymnastique, que l'autobus est toujours complet qui doit vous amener à l'heure au collège. Bien d'autres choses encore. Et puis voilà qu'Anatole a grandi. Ce double sympathique que l'auteur a observé avec une indulgence amusée et quelque distance - il dit « il » en parlant de lui - va s'effacer, sans jamais tout à fait disparaître, au profit d'un jeune homme de seize ans dont le « je » affirmé est mûr pour affronter les aléas d'une vie d'adulte : l'amour, la mort, le métier. La chrysalide et le papillon ! Aujourd'hui, Anatole ressurgit dans ce court récit, drôle et nostalgique, où l'Histoire s'inscrit en filigrane, un témoignage en quelque sorte, à travers ce qui reste - dans la réalité et dans les souvenirs - d'une enfance partagée entre trois espaces - les espaces perdus d'Antoine : village des origines familiales, village de l'exode, ville ouvrière de la région parisienne - dont les années ont nécessairement ébréché les contours.

Philippe Biget, sur le site apa, "Nous avons lu, vu, surfé".octobre 2006

Comment gérer la relation avec l'enfant que nous avons été ? Question lancinante et vieille comme le monde, et je suis conscient du prosaïsme déplacé du verbe gérer que je viens d'employer. Car appréhender ce rapport étrange (entre intime proximité et distance déconcertante) requiert la mobilisation de toutes les facettes de l'esprit humain. Avoir été et ne plus être implique une rupture, douloureuse peut-être, mais salutaire pour qui veut aller au plus loin sur le chemin du devenir. Pour faire face à ce défi, Guy Chaty a choisi la voie de l'extrême lucidité, de l'observation quasi clinique du phénomène. Afin de mieux y parvenir, il baptise l'enfant Antoine, officialisant d'emblée la dichotomie qu'il revendique, et qui n'exclut pas la tendresse du regard porté sur cet autre. Le récit alerte nous relate les épisodes les plus initiatiques de la vie d'un enfant découvrant le monde et l'humanité dans la France profonde du milieu du Xxème siècle. Un éveil accéléré par la guerre, bien sûr, et les bouleversements domestiques qu'elle provoque. L'auteur se glisse dans la peau d'Antoine, c'est à dire dans un mode d'observation souvent déconcertant pour un adulte, et tente de ne rien nous cacher des rapports ambivalents entretenus avec la religion, des circonstances parfois scabreuses de la découverte du plaisir, des deuils, du sentiment amoureux, etc. Et puis, un jour :
Le temps a passé. J'ai seize ans. Je me réveille (.) L'enfant Antoine ne me quittera plus, dissimulé de plus en plus derrière ce je en éclosion, mais se dévoilant parfois, surgissant même, lorsqu'il se sentira trop bousculé. La volonté de repousser au plus loin les limites du souvenir, tout en restant conscient des risques d'erreur que cela implique, pourrait donner au récit un ton trop aride, mais l'émotion n'est jamais totalement refoulée par l'esprit scientifique car Guy Chaty, tout en se présentant comme un simple narrateur, passeur d'espaces, continue de materner Antoine. Si j'ose employer ce mot, c'est qu'il le fait lui-même quand, revisitant un lieu qui fut le théâtre d'un amour de jeunesse, il écrit : Quand je la vois au loin, aujourd'hui comme hier, elle fait bouger en moi un désir d'amour, comme un enfant remue dans le sein de sa mère. Un livre attachant qui incitera le lecteur à parcourir différemment les espaces de sa propre enfance.

Antoine de Matharel, Poésie-sur-seine, n°58, octobre 2006

Nous connaissons bien, et nous apprécions, les poèmes de Guy Chaty, que notre ami Jean-Paul Giraux nous a présentés jadis aux conférences du François Coppée et qu'il cite volontiers lorsqu'il discourt sur la pratique de l'humour en poésie, pratique où Guy Chaty est effectivement passé maître. L'humour, néanmoins, ne coïncide pas nécessairement avec la plaisanterie, non plus qu'avec le bonheur. Il peut celer au contraire le malheur ou l'angoisse. "C'est un écorché vif/ce gars qui n'a jamais eu de peau", dit, en parlant sans doute de lui-même, l'auteur des "Mots pour le rire" et des "Contes cruels". "Je suis vieux. Ce n'est pas ma faute. Si cela n'avait dépendu que de moi, je serais resté jeune. Mais on ne m'a pas demandé mon avis." De ce malheur, de ce regret du temps qui s'éloigne sont sortis sans doute ces "espaces perdus" qui sont ceux du passé. Quand Guy Chaty raconte son enfance, il parcourt les temps qu'ont connu ceux qui naquirent dans les années trente, et il nous fait vivre ou revivre avec talent l'époque de l'Occupation et des années qui suivirent. C'est la guerre et c'est l'exode des parisiens qui débarquent à l'imprévu dans les campagnes profondes. Rat de ville, rat des champs ? C'est la vie d'une banlieue parisienne qui n'était encore qu'en partie urbanisée, d'une famille récemment immigrée en région parisienne et qui n'était de la même façon pas encore tout à fait adaptée à a vie des villes : le père part au travail en autobus, avec sa gamelle, mais cultive aussi le petit terrain de son pavillon et loue en outre deux "jardins ouvriers". Plus tard, on démolit, on construit des tours. L'école est remplacée par un "complexe scolaire". Le village campagnard où la famille visite la mère-grand pendant les vacances et où le garçon participe aux foins et aux moissons, se voit cerné par des "lotissements" de villas modernes et neuves. Et c'est aussi l'évolution du conteur que l'on suit, les disputes, les bagarres ou les persécutions à l'école primaire, puis, en parallèle avec les prix du secondaire et l'accès à l'école normale d'instituteur, la découverte maladroite du sexe et des sentiments amoureux. Tout ce récit passe à travers une multitude de détails pittoresques ou significatifs qui font de ce joli livre très vivant et si bien mené une lecture à la fois distrayante et tout à fait représentative d'une période de transition qui vient tout juste de s'achever.

La lettre du P.E.N. Club français, n°11, novembre 2006; dans "ils ont publié"

"Guy CHATY a publié chez Editinter un magnifique récit :"Les espaces perdus d'Antoine"."

A propos de "Phonèmes en folie", IHV 2008


Antoine Matharel, Poésie sur Seine, n°65, été 2008

Ce recueil de Guy Chaty, et il ne fait pas exception à cet égard dans son ouvre, se lit avec un plaisir non dissimulable...Le phonème comme son étymologie l'indique, c'est le son, grâce à qui le mot prend son sens (son-sens) mais, si l'on s'y amuse, aussi bien, dévie à l'improviste de cette signification sur une autre : et voici que leur sens (leurre-sens) se bousculent et se mélangent : c'est la naissance du calembour !...Pour le poète, il n'est pas question d'orthographe. Mais, on l'aura compris, cette déviation de sens, qui est le propre des jeux de mots, peut devenir pour lui une source inépuisable de poésie : celle-ci n'a-t-elle pas pour objet, comme on le sait, non seulement de donner un sens plus pur aux mots de la tribu, mais encore d'engendrer dans l'esprit de l'auteur, puis celui du lecteur, une multiplication de sens possibles. Le génie du calembour tient au fait que si le mot n'a généralement qu'un seul sens, le sens, le son (eh bien oui ! le phonème) peut en avoir plusieurs ; et comme il est amusant de jouer là-dessus ! Guy Chaty le fait avec une richesse d'imagination et de trouvailles qui n'appartient qu'à lui. Le calembour ne se limite pas pas ici au simple jeu de mots un peu facile et que nous dirions simplement formel. C'est le sens ici qui fait mouche en s'appuyant sur le grotesque et sur l'imprévu de la forme. Quand notre auteur nous propose, pour se contenter des plus courts exemples, « le tout à l'EGO », « les médias / l'immédiat », ou à la manière de Desnos, « quand les bombes tombent / les tombes bombent », quand il nous présente un écrivain trouvant un « filon », une « mine », « une mine de papiers », une « mine de papier mâché », (le calembour se fait ici évolutif, approfondissant le sens avant de le transformer), quand il nous assène ce jeu de mots poétique digne d'un Chaval ou d'un Topor : « elle était au bord des larmes / il l'a poussée », nous ne sommes pas loin du conte fantastique, de la fable ou du fabliau, auxquels certains textes plus longs font penser. Et si j'ai cité deux caricaturistes, c'est aussi parce que le recueil de Guy Chaty est truffé de dessins, de sa main je suppose, aussi bien tournés que désopilants. Pour n'en citer qu'un exemple : cet homme solitaire, affalé au soleil sur une plage, et sa légende, qui a, je crois, son air de vérité : « étalement des vacances ». Pour les vôtres, offrez-vous donc, ce n'est pas un conseil, c'est un ordre: les phonèmes en folie !

Jean-Paul Giraux, Traversées 52, automne 2008

Habitués que nous sommes à le voir sagement rangé dans les dictionnaires, nous pensions le mot Phonèmes à l'abri des aventures inavouables et des dérapages coquins ou scandaleux. Erreur ! L'auteur de Phonèmes en folie - le mot phonème, tous les linguistes vous le diront, se décline en « faux nez / faux néné - faune aime - faux nem » - après Des mots pour le rire (Editinter 2000), dangereux récidiviste donc, administre la preuve du contraire en dévoilant sa nature si insaisissable et déconcertante avec ses sonorités ambiguës, ses limites incertaines, ses connotations incontrôlables. Qu'il traite du quotidien, des bruits intimes, de l'oil qui quitte son orbite comme un satellite fatigué etc., ce spécialiste de l'à-peu-près réjouissant comme de la syllepse oratoire de premier choix n'abandonne jamais tout à fait le philosophe qui sommeille en lui et qui nous découvre une réalité que nous aimerions tellement oublier : l'absurdité d'un monde pour lequel nous avons souscrit malgré nous un ALLER-RETOUR que Guy Chaty décrit en des termes incontestables. « Vivre : sortir du néant sans le savoir / pour y retourner en le sachant ».

Gérard Paris, La Grappe, n°73, automne 2008

Les dessins humoristiques aux titres variés (fond de mer, télé féerique, cercle vicieux, étalement des vacances) illustrent ce recueil désarmant où la dérision, les jeux de mots par le son autant que le sens font rage. C'est la diversité des lectures qui prime : la lecture visuelle (par le sens) et la lecture phonique (par le son) avec tout ce que les mots et les dessins peuvent véhiculer de non-dit :

Notre société se délite
Dans le tout à l'Ego

Guy Chaty possède avant tout l'art de la formule concise et saisissante :

Vivre :
sortir du néant sans le savoir

pour y retourner en le sachant

Mine de rien le poète s'attaque aux maux de la société comme l'inhumanité provenant des ordinateurs : il parle de CAO (Caresses assistées par ordinateur), ou alors sur la précarité de la vie :

Les battements du cour
Sont les pas de la mort.
Ils s'arrêtent quand elle est là (Bruits intimes)

Laissant poindre son angoisse (créer c'est crier), Guy Chaty nous emmène dans son univers où sons et sens se marient, où mots et maux s'entredéchirent :

Pendant l'incinération
L'ambiance était glaciale

Usant à la fois de la loi des contraires autant que de la déformation sémantique :

Au lit ne soit
Qui mal y pionce

Mots, sons, sens et sonorités s'enlacent dans le bal des Phonèmes en folie.

Mathilde Martineau, Le Coin de table, n°36, novembre 2008.

Petits textes, astuces, jeux de mots, plaisanteries, etc. Tout cela se lit vite, fait sourire (« Elle courait les puces / pour trouver les poux »), parfois réfléchir (« Vivre : sortir du néant sans le savoir / pour y entrer en le sachant »). C'est souvent assez oulipoétique.

Guy Ferdinande, Comme un terrier dans l'Igloo dans la dune, n°94, janvier 2009

« J'ai massé / J'aime assez », « récipiendaire/récipient d'air », « Ménopause mène aux pauses », etc. Dommage que ces homophonies de Guy Chaty soient si téléphonées, parce que quand c'est humoristique, c'est vraiment humoristique, un peu à la L'Anselme : « Le curé à son chien / "la vie, ça sert d'os" » ou « notre société se délite/Dans le tout à l'égo ». Du bon et du moins bon, quoi...

Jacqueline Brégeault-Tariel, Verso 137, juin 2009

« Histoires minimales / par la lettre ou le trait // Des mots rions / indûment / Éperdument », tel est le menu annoncé en quatrième de couverture de ces « Phonèmes en Folie », textes recueillis dans la collection Interventions à haute voix.

Guy Chaty, nous le connaissons, sa verve, son humour, sa tendresse. Nous avons partagé avec lui les émois du « petit », les facéties d' « Anatole et son chat », des poèmes dans de nombreuses revues. Ici, nous le retrouvons face à lui-même, dans la dérision des situations, de ce corps farceur au pénis égocentrique qui « .ne voit pas plus loin / que le bout de sa joie », ou aux prises avec le CAO, Caresses Assistées par ordinateur, « Il me compile, je me stimule. / Par la console, je m'aime / par là même, je me console. ». Ou bien il se fait philosophe, « Sois terrien sinon / T'es rien », ou encore critique, ça presse « Les médias / l'immédiat ». Et que dire d'un oil gauche trop savonné perdu dans la douche et qui, remis dans son orbite, « est tombé amoureux du droit et ne cesse de le contempler ». Quelle touche, n'est-ce pas louche ! L'humour ? Que cela peut-il bien cacher, disons-nous d'un un air inquisiteur, soupçonneux, voire entendu ! Bien. bon. cela ne concerne que son auteur. Quant à nous, nous avons tout simplement à nous réjouir de ces calembours, hyperboles, oxymorons et autres - qu'importe d'ailleurs les figures de rhétoriques - nous avons à applaudir à ces trouvailles, astuces, et calembredaines, et à rire non pas indûment mais « Éperdument. »

A propos de "Amour de Jardin ", dessins de Chantal Robillard, Editions Alain Benoit, Raphia 2, 2008

Jean-Paul Giraux, Revue Traversées 58, printemps 2010

Voici la chronique d'une double rencontre : un homme et une femme, un couple et une maison avec un jardin. « Tout commence par un pique nique dans le jardin sous le prunus japonais... » C'est vrai pour l'histoire d'amour avec le jardin, mais pour l'autre, c'est plus compliqué : il y a avant et il y a après. Et le livre, vous en faîtes quoi ? Un Modiano, ce n'est pas du jardinage ! Oui mais, de la littérature à l'amour et de l'amour au jardin, il n'y a qu'un pas - pas forcément japonais au demeurant - que vous franchirez en herborisant avec ce n °2 de la nouvelle collection Raphia qu'accompagnent joliment les dessins du peintre Chantal Robillard.

Jacqueline Brégeault-Tariel, Poésie-sur-Seine, printemps 2009, n°68

Amour de Jardin ou jardin d'amour, on ne sait quel est le complément l'un de l'autre tant amour et jardin se chantent en un même tempo. Le prétexte, si l'on peut dire sans jeu de mots - ou plutôt avec - s'est révélé au cours des saisons au jardinier dans la luxuriance des plantes et au même épris d'une voisine, dans son parcours de séduction. L'ouvrage publié dans la collection Raphia est noué par le végétal et comme tout ici « fait sens », on ne peut que se saisir du lien. Des fibres mêlées, le poète et le linguiste va jusqu'à composer une nouvelle espèce, « les jacrotunars - entendez : jacinthes, crocus, tulipes, narcisses. » De ces enchevêtrements, l'amoureux transi va jouer avec fièvre la gamme du regard, de l'attente, de l'espoir, du « temps fusionnel ». Mais comment « maîtriser l'exubérance de la végétation, excitée par la pluie et le soleil alternés ». Il n'est pas besoin d'en dire plus, la métaphore se suffit à elle-même, et le couple dans l'ombre guette et sourit. Attention trop d'ombre et la plante s'étiole. Il faut espacer, séparer, aérer, laisser circuler la sève, créer un lieu paradisiaque de « floraison permanente. » Les dessins à la plume témoignent de la plénitude, voire de la profusion végétale d'un enclos. Comme dans les bons romans, il ne faut pas dévoiler la fin. Un indice cependant : suivez la piste des dates !

Philippe Biget, Friches 102, septembre 2009

Avis à la population ! La collection Raphia succède à Raffia. Derrière cette subtilité sémantique, Alain Benoit reste fidèle à l'esprit de ses publications antérieures, sur un papier toujours aussi cossu mais de tonalité plus claire. Connaissez-vous « les bignones ou trompettes de Jéricho aux fleurs rouge orangé s'avançant au-dessus du sol, charnues jusqu'à l'indécence...» ? Peu importe. Lisez le dernier livre de Guy Chaty et découvrez « ce petit Eden qu'était devenu notre jardin » . Car végétaux et sentiments y fleurissent également luxuriants. Mais attention, deux arbustes peuvent s'étouffer l'un l'autre. Aussi passionné soit-il, l'amant jardinier doit s'armer des outils de la sagesse pour pérenniser les amours de jardin. Les dessins de Chantal Robillard accentuent l'exubérance sentimentalo-végétales. Son trait fin et agile envahit le peu d'espace qui lui est offert sans jamais l'alourdir. On y devine l'ombre joyeuse du prunus japonais.

A propos de "Coups d'oeil en coulisse ", D'ici et d'ailleurs, 2009

Claude Albarède, l'Arbre à paroles, La Relève de Delaive, n°143, printemps 2009

Guy Chaty a le coup d'oeil coulissant, en ce sens qu'il décèle les faces cachées du monde et de nous-mêmes, choses invisibles qui nous côtoient. Et comme ces choses souvent nous révèlent et nous manipulent, on peut parler pour Guy Chaty de coup d'oil moraliste, ironique et insolite, dont l'humour est un gage de poésie, au même titre qu'en leur temps le furent les Tristan Bernard, Alphonse Allais, Georges Fourest et autres Jules Renard et Charles Cros...Cette veine poétique, Chaty la développe dans une quinzaine de recueils , dont Des mots pour le rire paru en 2000, ou l'inénarrable Anatole et son chat paru en 2004, tous deux chez Editinter. Ici nous avons une suite de textes en prose, courtes anecdotes évocatrices ou dialoguées, chacune accentuant ou mettent en évidence un travers, un comportement, une situation, une vérité humaine, souvent cocasses, jusque-là cachés ou ignorés :

« Dans ce monde, on vit par anticipation. En juin, on prépare la rentrée dans les grands magasins et la saison d'hiver dans les maisons de couture. En juillet, on ne vend plus de maillots de bain, passons à autre chose : la fin de la saison est proche puisque la saison est commencée. Dans ce monde, il y a mort dès qu'il y a vie. »

'' L'écriture, car il y a écriture, utilise d'une manière vivante et spirituelle les procédés du trait d'esprit ou de la caricature, mettant en relief les vanités humaines, comme dans « le cauchemar d'Icare », les prétentions métaphysiques, comme dans « Dialogue entre Dieu le Père et Dieu la Mère », les tendances modernes, comme « Le divan et la planche », les rapprochements inattendus comme «la cuisine et le théâtre » avec cette belle formule : « Au théâtre on peut brûler les planches, mais pas les plats... » C'est un genre casse plume si l'écriture ne suit pas. Mais Guy Chaty sait tenir son style et maîtriser son texte. Cette maîtrise, alliée à l'acuité de l'observation, fait parfois penser à La Bruyère, tel Le Vieux Clochard  : « marche un verre à la main, va aux toilettes, ressort s'ajustant, le verre toujours à la main, s'assied lentement, pose son verre, fouille dans son sac, mâche consciencieusement, crachote dans son mouchoir, regarde ce qu'il a craché, pose le mouchoir sur une chaise, le regarde à nouveau, s'essuie avec un autre mouchoir... » Lucidité, coup d'oil, efficacité du style, il faut lire ces textes comme on se met en bouche le gouleyant verjus qui décape et fait du bien.

Eliane Biedermann, IHV n°44, juin 1999

Une vingtaine de courts récits nous entraînent ici dans des situations cocasses, selon une logique absurde et dérangeante. La plume de Guy Chaty rappelle à bien des égards celle de Henri Michaux ou de Tristan Bernard. Les narrations se présentent parfois comme des rêves avec leur lot d'insolite qui peut conduire parfois au cauchemar : ainsi cette femme caressant en pleine rue au vu et au sus de tous, alors que le petit chien aimé se transforme progressivement en homme nu. Ou le mythe d'Icare revisité d'une manière encore plus cruelle. On ne s'ennuie donc pas à la lecture de ces courtes nouvelles à la chute parfois inattendue ( Décence), aux tentatives de parallèles surprenants ( la cuisine et le théâtre), et où un patient paie son psy grâce à sa planche de faux monnayeur. L'humour n'exclut pas une certaine philosophie de l'existence, voire une réflexion théologique : « et si Dieu était une femme ? / et si c'était un noir ? (.) et si c'était l'amour ? » Le grand poète Claude Vigée répondrait plus sérieusement : « Le nom propre de la divine Présence est : Peut-être » Le lecteur est sûr de trouver dans ce livre un divertissement, des trouvailles originales qui n'empêchent pas une méditation sur notre condition humaine.

Antoine de Matharel, Poésie sur Seine, printemps 2009, n°68

Chacun de ces textes de Guy Chaty, une ou deux pages environ d'écriture, nous travestit une histoire apparemment tout ordinaire ou d'un banal déjà truqué et pour démêler le vrai du faux, le comment du pourquoi et le secret de ce faux ordinaire, il nous reste à jeter, dit l'auteur manipulateur, "un coup d'oeil en coulisse". Les coulisses d'un grand théâtre, par exemple, où la mise en scène des pièces se met en place à la façon d'un grand repas gastronomique. "On a parfois des monologues qui coupent les cheveux en quatre et des marmitons qui coupent les légumes en dés", où de même le cuisinier conduit son repas comme une pièce de théâtre: car "le décor est important et met en valeur les pièces montées ou non". Ailleurs, un comédien est chargé de représenter "le vide" et se retrouve en train d'attirer à lui, comme un trou noir cosmologique, la totalité des jeux et du spectacle. Lisez encore, et vous m'en direz des merveilles, "L'histoire du foetus qui tirait au flanc", les "rêves irresponsables" que nous inflige notre inconscient et dont nous avons honte au réveil, l'histoire aussi de Dieu le Père qui doit se justifier auprès de Dieu la mère d'avoir réengendré leur fils dans le sein d'une simple humaine ! (suite pour "Éclairs de femme")

Jacques Morin, Décharge n° 142

Un premier recueil de textes publiés dans pas mal de revues, et Décharge aussi, il y a quelques années, avec ce qu'on apprécie chez cet auteur, l'imagination précise, la fantaisie sérieuse. Si bien qu'on se laisse embarquer dans ses réflexions souvent décalées (Icare, et Dieu surtout). (suite pour "Éclairs de femme")

Jacqueline BREGEAULT-TARIEL, Poésie sur Seine N°70 Automne 2009

Et si c'était aussi cela la vraie vie, ces coups d'oeil en coulisse, ces clins d'oil coquins, ces histoires que l'on se raconte à soi-même et aux autres. Scientifique et chercheur, littéraire et humoriste, la verve en sus, Guy Chaty déploie, toujours pour notre plus grand plaisir, son éventail de blagues, de galéjades, d'incongruités, de jouasseries*. Il n'hésite pas à nous entraîner dans des raisonnements oiseux, nous éviscère avec une histoire de vide à en perdre le souffle, surprend une conversation entre Dieu le père et Dieu la mère concernant leur fils. «. Mais, ils vont comprendre quoi, en bas ? Ce n'est pas très humain. » On croit entendre Michaux dans les Rêves Irresponsables, inavouables, agréables, « voire délicieux ». « Un moi que j'ai loué pour la nuit, tout simplement, à des individus louches. » Dans sa rouerie, il joue des points de suspension comme une fausse pudeur - dira t-il ou ne dira t-il pas ? Soyez sûrs, il dit, et sans vergogne, et cela nous enchante ! Et si c'était cela la vraie vie, ces renvois à soi-même, ces clins d'oil de l'inconscient, cette logique malmenée, risible parfois, ces individus louches qui cohabitent dans le Moi. « Ils me font peur, mais ils me font voyager, grandir, découvrir des paysages cachés, ils me sortent de mauvaises passes, des embrouillaminis, et éclairent ma vie. »

  • Blagues, jouasseries : dictionnaire de synonymes de Bertaud du Chazaud quarto Gallimard

Jean-Paul GIRAUX, Traversées n°56, automne 2009

Rien de plus banal, dans une rue, qu'un chien au bout d'une laisse que sa maîtresse caresse : « Il remue la queue et halète, la langue sortie ». Mais que devient la scène si, par quelques transformations imprévues, le chien devient - toujours au bout de la laisse - « un homme sur le dos, nu et heureux de l'être » ? Il serait de bonne guerre d'interroger les passants. Mais on peut aussi lire Guy Chaty qui, depuis les coulisses de son théâtre personnel, s'efforce de s'interroger sur les troubles de la causalité qui affectent notre quotidien. Ainsi le rêve d'Icare se trouve par lui revisité, on comprend enfin l'intérêt qu'il y a à voler les stimulateurs cardiaques sur les cadavres des cimetières, comment le théâtre du vide (ne pas confondre avec le théâtre de l'absurde) a l'angoisse de la salle comble, on a accès aux dessous cachés d'une naissance divine etc. Bref, Guy Chaty confie au « sphinx noir » de l'humour le soin de dévoiler l'homme (ou la femme) dans ses postures les plus inattendues. Poser les bonnes questions, tout est là. « Dieu, et si c'était... une femme ? Et si c'était un noir ? Et si c'était le vide sidéral... ? Et si c'était l'amour ?». Dis donc, Guy, j'ai peur de dire une bêtise, car je suis loin d'être un spécialiste, mais si c'était... l'humour ?

A propos de "Eclairs de femme", Les Amis de la poésie, le poémier de plein vent, 2009

Alain Lacouchie, site Allo Allac

Vient de paraître, aux Editions "Les Amis de la Poésie" à Bergerac, sous la direction d'Annie Delpérier (Chartreuse de Pécharmant 24100 Bergerac), un recueil de poésie du parisien Guy Chaty (aussi professeur d'université et homme de théâtre) intitulé 'Eclairs de Femme' . Une poésie à tendance érotique ? Est-ce un signe si j'avoue que j'en ai accouché des illustrations ? Dix au total - plus la couverture en couleur. Un bel ensemble, quôa... Pour les connaisseurs et les gourmets (lol) ouôa ! Et puis, si vous aimez trop les dessins, vous pouvez toujours les découper et les encadrer pour les suspendre au-dessus de votre lit, ouais !

Antoine de Matharel, Poésie sur Seine, printemps 2009, n°68

(à la suite de "Coups d'oeil en coulisse") Avec ce recueil d'excellente qualité littéraire, Guy Chaty nous propose un "Éclairs de femme" dont l'érotisme délicat mériterait, mais la place nous manque, d'autres développements, la cuisine du corps féminin à la sauce Chaty nous entraînant comme malgré nous sur les chemins du rêve et de la poésie. - "Ses genoux brillent dans l'obscurité comme des cailloux sous la lune". - "Cette femme endormie (dans le train)... réveillée, elle regarde, et ses yeux gonflés sont pleins de promesses d'échange" - Plaisir gonflé de sucre / poids / lourdeur délices ...". Et ce petit poème dont je ne sais me priver de vous proposer le texte complet: "Le soir s'abrite / sous un voile trop court // On en voit la nudité offerte // Le désir bêle / à ses pieds".

Jacques Morin, Décharge n° 142

(à la suite de "Coups d'oeil en coulisse") Un second recueil, de poèmes. Autour de la femme. Tout en sensualité, en désir à peine couvert, où la moindre apparence n'est que prétexte à deviner la source du plaisir. L'entrecuisse comme un sésame obsessionnel. Tous les mots se concentrent à ce même carrefour. Et l'on suit du regard et de la plume cette orbite à jamais désignée. Aucune lubricité, que de la verdeur, à redonner de l'énergie aux plus poussifs. On est dans la beauté de la sensualité et la sensualité de la beauté.

Philippe Biget, Friches n° 103

Jusqu'où peut-on exhiber les fantasmes du désir masculin sans risquer d'être embastillé pour crime de « femme-objet » ? Débat vieux comme le monde que je n'envisage nullement d'épuiser ici. Réduire la femme au rôle d'accessoire manque évidemment de perspective, mais que deviendra le désir sans de tels fantasmes ? Diable, il y a du grain à moudre pour procureurs et avocats.

Guy Chaty plaide coupable mais dispose de solides circonstances atténuantes, en premier lieu l'humour et, pour en venir enfin au plan esthétique, la distance, la fameuse distance avec laquelle l'artiste doit honorer son sujet ( encore un mot dangereux ! ). Au cours des trente poèmes qui forment ce recueil, il vous dit tout ( ou presque ) du regard intéressé et assidu de l'homme :

Le short coupe l'imagination :

l'espace est clos ;

la pensée qui veut monter entre les cuisses

est bloquée dans son ascension.

La jupe ?

La jupe est un abîme

à l'envers

sur lequel se penche

le désir vertigineux.

Sans souci des convenances, le poète laisse libre cours à sa main qui brode des pensées impudiques et tendres à la fois, laissant deviner un sourire qui fait tout pardonner.

Alain Lacouchie illustre-t-il le propos de Guy Chaty ou lui réplique-t-il ? Une dizaine d'encres accompagnent les poèmes. Avec son style reconnaissable où l'on devine l'influence assumée et maîtrisée du cubisme, il nous donne à voir les facettes d'une femme moderne, aguichante, parfois provocante, jouant librement de son image comme Guy Chaty de ses mots. Éclairs de femme acquiert ainsi la dimension d'un authentique dialogue érotique qui renvoie aux calendes grecques tout procès en diabolisation.

Claude Albarède, l'Arbre à paroles,

Aujourd'hui, où personne ne veut plus lire de la poésie, il faut qu'elle soit attractive et attrayante. C'est ce que réalise Guy CHATY dans ce nouveau recueil "Éclairs de femme"qui vient de paraître aux "Amis de la poésie", avec des encres originales d'Alain LACOUCHIE. Chaty sur un "moi", un "toi" ou un "soi", en soie, brûlant, voilà qui réconcilie avec l'effeuillage du texte où le corps de la femme se montre par éclairs suggestifs et séduisants, mais jamais vulgaires, puisque placés sous le signe de "une passante" de Baudelaire !... C'est ainsi qu'on passe "d'apparition" en "tentation", de "trouble" en "éloquence", et qu'on ouvre la jupe jusqu'au "triangle", dans la danse enchanteresse et voluptueuse de celle qui nous entraîne :

sur lequel se penche

le désir vertigineux »

On assiste, en complice plutôt qu'en voyeur, à quelques spectacles intimes qui, saisis sur le vif, emportent l'imaginaire vers des couchants aux reflets d'or :

« Cuisses couleur de soir couchant

reflet or gorgé de soleil

creux

plaisir gonflé de sucre...

figue mûre... »

Le lecteur se délecte de page en page, découvrant encore une fois que si l'érotisme est le hall d'entrée de la luxure - «Magnifique, la luxure ! » a écrit RIMBAUD -, Guy CHATY sait le fleurir de quelques "éclairs de femme" qui en aiguisent l'intérêt.

A propos de "Pas de travail qui vaille", Atelier du Gué/Ecole Estienne Paris, 2010

Michel Baglin, Revue Texture, 25 mai 2010

Ce recueil de nouvelles est le fruit d'une collaboration entre les éditions de l'Atelier du Gué (éditeur de la fameuse revue « Brèves ») et des étudiants de la non moins fameuse École Estienne (du Diplôme de Métiers d'art en Illustration et en Typographisme et du BTS Editions). Le temps d'un livre, les étudiants se sont donc investis dans la lecture et le choix des textes, leurs illustrations, et la mise en page de l'ensemble. Un thème, celui du travail dans ce qu'il a de plus déshumanisant, est le fil rouge de cet ouvrage dont dix auteurs justifient chacun à sa manière le titre : « Pas de travail qui vaille » . Du cruel « Changement de look » que Georges Flipo fait subir à une employée modeste dont l'identité vacille sous la pression d'une quelconque « conseillère en image » au « Monde presque insupportable », celui que Guy Chaty nous dépeint confisqué par les experts, en passant par le sourire figé des caissières en colère dans « Sbam » de Michel Calonne, le radical refus de collaborer au système et de prêter « main forte » de Fabrice Marzuolo, les sacrifices consentis au nom de la réussite professionnelle (« Comité stratégique »), l'anticipation post-industrielle de Dany Grard (« Gardien d'usine »), le monologue d'un routier pas sympa (« Chez Jiji » de Jean Pézennec), le compte à « rebours » du licencié candidat au suicide de Franck Garot, où encore les textes de Lika Spitzer et François Teyssandier, ce petit livre grinçant constitue un témoignage hélas plutôt fidèle de ce qu'est l'aliénation moderne au et par le travail ! Les illustrations sont évidemment à la hauteur avec de tels collaborateurs. Bref, on ose à peine le dire, mais c'est. du beau travail ! (Co-édition Atelier du Gué - Ecole Estienne. 96 pages. 14 euros. ISBN 9782913589629)

Brigitte Aubonnet, Encres Vagabondes, 24 avril 2010

Le monde du travail est parfois redoutable. Dix écrivains nous en parlent et nous présentent les différentes facettes de ce qui envahit les vies et parfois la retire. Un très bel équilibre existe dans ce recueil de nouvelles qui est le résultat d'une collaboration entre les étudiants de l'Ecole Estienne qui préparent le Diplôme des Métiers d'art en Illustration et en Typographisme, les étudiants du BTS Editions et l'Atelier du Gué. Les textes sont courts et percutants avec des voix différentes pour décrire avec cohérence le monde terrible du travail qui peut détruire les travailleurs plus qu'il ne les enrichit.
Pour travailler le look est essentiel. Il devient obligatoire de rentrer dans les normes définies par la rentabilité. Les codes sont stricts, il faut être onvaincant, sexy, jeune. Isabelle va en faire les frais et cela va bouleverser sa vie. Travailler et devenir mère est souvent incompatible. Comment vouloir accéder à un poste important si l'on n'est pas complètement disponible pour le travail ? Etre caissière exige de sourire aux clients. Et si cela devenait une maladie professionnelle ?
Que faire quand l'on perd son travail, sa femme ? Etre camionneur n'est pas toujours un travail facile. Se retrouver seul, ne pas avoir choisi son métier, subir le rythme infernal du travail tout cela mène à la désespérance. Une usine qui fonctionne devient de plus en plus rare. Les locaux des usines deviennent plutôt des sites archéologiques à visiter. Comment faire pour récupérer du temps libre quand on est dévoré par le travail ? Les solutions sont parfois radicales.
Ne pas s'aliéner au travail et faire ce qui plaît, peut-être un rêve de jeunesse ou un projet de vie. Dans les pays « dits riches » les êtres humains sont de plus en plus sacrifiés au profit du capital.
Beaucoup d'ironie et de critiques des dysfonctionnements actuels du monde du travail, avec des écritures différentes, existent dans ces nouvelles. Une cohérence et un ton caustique se dégagent de ce recueil qui se lit avec beaucoup de plaisir sur un sujet qui nous concerne tous et qui soulève tant de questions en ce moment. Cela permet aussi de découvrir des écrivains dont les parcours sont présentés en fin d'ouvrage.
Les illustrations en noir et blanc sont originales, décalées, variées pour exprimer l'angoisse, l'aliénation, les pièges du travail. De la photo montage, au dessin stylisé, de la peinture à l'utilisation d'une marionnette...les illustrations sont bien en écho avec les textes. Un bel ouvrage. Une belle unité autour d'un thème. Une belle diversité de voix.

Django, Rayon Sud magazine, 18 mai 2010

Le temps d'un livre, les étudiants de l'Ecole Estienne se sont substitués au comité de lecture de l'Atelier du Gué, prenant le soin de choisir, puis de mettre en pages et d'illustrer dix nouvelles sur le thème du travail. Drôle d'idée ! Mais ô combien d'actualité ! Que le travail soit un cauchemar, une course de fond, un but, une passion, voilà bien le sujet qui intéresse les auteurs de cette anthologie. Ils nous donnent ici leur vision toute personnelle, parfois engagée, drôle ou pas, sérieuse ou décalée, mais toujours réaliste d'un temps qui occupe souvent la moitié de notre vie. N'y a-t-il vraiment pas de travail qui vaille ?
Nouvelles inédites de Lika Spitzer, Michel Calonne, Georges Flipo, Franck Garot, Jean Pézennec, Dany Grard, Sophie Stern, Fabrice Marzuolo François Teyssandier, Guy Chaty.
Couverture : illustration de Lise Perret
96 pages - Illustré - 14 euros

Philippe Biget, Poésie première, n°48, octobre 2010

Un livre élégant à la finition irréprochable. Les élèves et professeurs de l'école Estienne ont formé un collectif compétent et de bon goût. Couverture, mise en page des textes et annexes, lisibilité, qualité de l'impression : 10/10 dans toutes les matières. Bravo à L'Atelier du Gué d'avoir parrainé cette expérience !
Le recueil de nouvelles d'auteurs divers est un genre difficile. L'inévitable disparité peut conduire à un ressenti de "décousu". Ce risque est ici en grande partie évité et la plupart des dix textes proposés cohabitent sans animosité. Le regard souvent décalé des auteurs sur le thème du travail y est pour quelque chose.
Le travail qui peut conduire à l'amour tarifé (Georges Flipo), à une grossesse sacrifiée pour du beurre (Sophie Stern), aux délocalisations suicidaires (Franck Garot), à la solitude du chauffeur dans sa cabine de poids lourd (Jean Pezennec), à l'analyse caustique de la nouvelle aliénation engendrée par le capitalisme consumériste (Guy Chaty), et j'en passe. Un livre à garder en main dans le métro ou le bus en allant. au boulot !

A propos de "Mes navires", anthologie de poèmes courts, 1979-2010, éditions de l'atlantique, 2010

Philippe Biget, Friche n°107, mai 2011

La collection Phoïbos des Éditions de l'Atlantique ne trahit pas son patronyme. Phoïbos, le brillant, surnom donné dans la mythologie grecque au Dieu du soleil ! Le livre qui s'ouvre par la reproduction d'une belle encre de Silvaine Arabo se distingue par une maquette et une mise en pages sobres et élégantes et surtout par un « papier de création blanc nacré, grain subtil » de 120g. dont le lecteur appréciera l'éclat raffiné et sensuel.
Poèmes courts ? On connaît la manie bien française de codifier. S'agi-il de sonnets, de madrigaux, de haïkus (forme bizarrement puisée dans une langue dont la morphologie n'a rien à voir avec la nôtre ! ), etc. Rien de cela dans la démarche de Guy Chaty ; le poème court est tout simplement celui qui n'occupe qu'une page, offrant ainsi le confort optimum de lecture et de retour en arrière.
Cinq chapitres sans brutale discontinuité. Le premier,« Clarté », est voué aux éléments, à la nature :
«  Forêt d'automne/Les larmes coulent doucement/sur la joue brune des arbres  ».
Le second, « Souffle », se tourne vers Éros :
«   Ton ventre/est la plage du silence/si lourd avant l'orage ».
Dans « Noir » , le décor vire au tragique :
«  Le château a mangé les hommes/et bu leur chaleur/alors qu'attentif il cherchait les merveilles ».
Ensuite Cronos nous rappelle la finitude :
«  je vide mon moi/dans l'eau première ».
Enfin, les « Visions » renouent avec un imaginaire débridé. Elles sont les Navires dont le poète dirige la flottille :
«  J'éclate dans une feuille/poisson tranquille/je me meurs à couler sève/jusqu'aux racines ».
On ne peut que recommander chaudement la lecture de ce livre dont l'inspiration soutenue puise dans les eaux profondes de l'âme avec parfois un voile de pudeur en forme d'humour.

Jean-Paul Giraux, Traversées n°62, mai-juin 2011

Cette belle anthologie, rassemble des croquis qui sont autant de notations sensuelles, d'images capturées pour peindre, au plus court du poème, l'instant fulgurant où s'inscrit la beauté des choses, leur mystère ou leur fragilité : "balbutiement" d'une feuille qui dégringole, goutte d'eau "sur la joue brune des arbres", "galets roulés / dans la soie / du bruit", massacre stupéfiant des roses un jour de pluie. Ici, le peintre paraît s'effacer au profit du motif. En fait, il reste tout entier présent dans le regard et dans les mots. Le voici même parfois tutoyant le réel : "Tes yeux... Tes seins... Ton ventre...", d'où surgit une réalité érotique dans laquelle il s'implique avec élégance. Quand il se pense en tant qu'individu, il sait que la nuit peut être une prison, que si le corps s'échappe, il lui faut trouver la bonne posture pour danser avec les mots. Surtout, rien ne permet d'apprivoiser les contradictions du monde, on ne peut que les énoncer dans un ricanement tragique : déchets qui flottent sur la mer, semence noire et mortelle des missionnaires armés. Au bout du compte, on découvre que l'existence s'accroche au reflet d'une vague qui "s'essouffle sur la plage" ou bien qu'elle est cette péniche que "chacun hale... / corde tendue/ trébuchant". Le poète ne peut qu'enregistrer l'absurdité du monde : "Mon arbuste est mort / Je l'ai enterré / debout / comme un arbre". Là est sa révolte.

Jacqueline BREGEAULT-TARIEL , Poésie sur Seine n°76, juin 2011

C'est Guy Chaty, lui-même, qui convoque le comédien et, «  Dans son rire / écarlate / faisant pommes ses joues / rouges  », nous laisse entrevoir «  .la tendresse  / plissée dans ses yeux / aux racines nourries / de blessures intérieures ».
Nous connaissons Guy Chaty, ses moqueries et ses rimes, ses empoignades avec le monde et avec lui-même, son amour [et notre amour] indéfectible pour Anatole et son Chat, ses polissonneries, ses impertinences, ses coups d'oeil en coulisse, bref une riche panoplie, un large éventail derrière lequel il ne peut plus se cacher. Dans cette anthologie de poèmes courts, nous parcourons avec des résonances de haïkus parfois, des instants saisis sur le vif qui donnent non seulement à voir mais à éprouver au plus profond de soi comme un étonnement à être, comme un retour aux origines «  Je ne respire que l'air / je vis de mon sang / Je vide mon moi / dans l'eau première ».
Il y a une certaine solennité dans cette expérience existentielle, une lenteur comme pour mieux s'imprégner d'une vision, un silence pour entrer en soi-même, un éblouissement devant tant de mystères.
Les mots colorés se poursuivent, s'interpellent, échangent leur consonance, se narguent. Enchantent.

Valérie CANAT de CHIZI, Verso n°145, juin 2011

Les poèmes de Guy Chaty procèdent par touches. Touches de mots, comme des bulles, qui éclatent dans le soleil. Silvaine Arabo dit de Guy Chaty qu'il laisse entrevoir cet "autre chose" qui est le propre de la poésie et que Paul Eluard traduisait par "donner à voir". De fait, chaque poème est un tableau. Lait vert / sable pâle. / bleu du tendre à l'horizon noir / sous le ciel transparent / vague // galets rouillés / silex modelé / tombé du calcaire / mou // galets roulés / dans la soie / du bruit. Impressions d'un paysage marin. Mais aussi, noirceur, dans le chapitre intitulé Noir. Parce que la mort habite la vie. D'autres passages sont plus légers, tels ceux consacrés au féminin. Tes yeux / sont les jambes de la mer /qui m'emmènent en voyage // Tes seins / sont l'horizon du couchant / trop couleur de nuage // Ton ventre / est la plage du silence / si lourd avant l'orage. D'autres sont aigre-doux, comme un portrait d'Utrillo, quand la fêlure se dessine derrière le vernis craquelé. Ainsi du Comédien : Dans son rire / écarlate / faisant pommes ses joues / rouges / je vois la tendresse / plissée dans ses yeux / aux racines nourries / de blessures intérieures. Ce qui émane, dans l'ensemble, c'est une légèreté à fleur de peau. Du soleil / ma paupière est rouge / Un oiseau y chante / planté comme une étoile / dans mon ciel clos.

Claude ALBAREDE, L'arbre à paroles, n°152, été 2011

Avec cette volonté saine d'appréhender le réel à travers le sillage mnémonique - « Mon beau navire ô ma mémoire » disait Guillaume Apollinaire - Guy CHATY avance en clarté, d'un trait vif où le haï-ku n'est pas absent :
« Jour finissant
tiédeur
village lorrain
rue vieille qui revient des champs

la lenteur des chevaux
et des choses comme ça »


S'il retient son souffle c'est pour approcher au plus près de la joie physique et charnelle. On y retrouve avec bonheur le poète de « Coups d'oeil en coulisse » paru en 2008 aux éditions D'ici et D'ailleurs : un discret érotisme frémissant d'humour :
« Une femme
en maillot de bain
debout près
d'un cheval blanc
On voit alors
que le cheval
est nu. »


Après ces approches peut-être fugitives de l'amour, la rose s'effeuille pour « féconder la mort », car chez Guy Chaty la douleur, la violence, le destin tragique, loin de figer et d'anéantir la vie, sont des obligations fécondes qui font regimber l'existence. On peut dire que cet optimisme empreint de clairvoyance et de scepticisme, fait gagner au poète le combat des mots contre le temps implacable :
« Mon arbuste est mort
Je l'ai enterré
debout
comme un arbre »


Et c'est dans l'éclat des couleurs, le battement des vivaces, le flux des mots, que les navires de Guy Chaty prennent le port, non pour s'y endormir, mais pour éclore en eux la lumière engageant et libératrice :
« Du soleil
ma paupière est rouge
Un oiseau y chante
planté comme une étoile
dans mon ciel clos »

Eliane BIEDERMANN, Interventions à haute voix n°48, juin 2011

Nous connaissons les poèmes d'humour et de satire de Guy Chaty, notamment dans les recueils: « Anatole et son chat » et « Phonèmes en folie » (éditions Interventions à Haute Voix, 2008). Ici, c'est une autre forme de son talent qui s'exprime. Dans cette anthologie de poèmes courts écrits entre 1979 et 2010, se révèle (notamment dans la première partie du recueil intitulée : « Clarté ») un poète lyrique amoureux de la nature et de ses couleurs changeantes. La forme laconique parfois proche de l'aphorisme joue principalement sur la suggestion :  « Mon arbuste est mort / Je l'ai enterré / debout/ comme un arbre » .
Des sujets graves y sont abordés, et la palette des émotions évoquées va de la tendresse , de l'amour ,aux réactions à la guerre, la violence et à la fuite du temps (« Cronos »). L'auteur possède l'art de dissimuler un certain malaise existentiel sous un voile de légèreté et de fantaisie :  « Du soleil / ma paupière est rouge / Un oiseau y chante / planté comme une étoile / dans mon ciel clos  »

Jacques MORIN, Décharge n°153, février 2012

Il s'agit d'une anthologie de poèmes courts (1979-2010). Guy Chaty s'occupe en poésie de multiples choses, entre autres domaines dans les revues :   Poésie/première, Poésie sur Seine et Interventions à Haute Voix, nous apprécions ici à Décharge surtout son côté auteur de poèmes en proses humoristiques, et nous l'avons publié de nombreuses fois à ce titre, mais il montre ici son versant poète dans le registre bref. Donc sous différents titres rassembleurs : Clarté, Souffle, Noir, Cronos, Visions, chacun pourra apprécier cette plume-là. Il charrie les thèmes qui lui sont chers : la mer, la mort, la nature, le temps, l'amour...C'est parfois inégal, mais on trouve des textes étonnants, souvent avec une pointe d'érotisme ou de malice qui en font tout le charme. Village lorrain / rue vieille qui revient des champs...

Bernard Fournier, 2012

Guy Chaty a l'humilité de ne pas appeler ses poèmes courts « haïkus » ; à part sans doute quelques réussites occidentales, il n'est pas certain que la tradition japonaise puisse s'exporter facilement. Il s'agit pourtant ici de ce type formel et sémantique de poèmes visant à éveiller chez le lecteur un instant issu d'une brève émotion. Guy Chaty nous surprend avec des métaphores « la mer est un couteau bleu », « lait vert ». Il préfère la fulgurance des images plutôt que les notations plates et simples. Il préfère trouver une transposition verbale à une sensation : « galets roulés/ dans la soie/ du bruit ».
Le poème de Guy Chaty se veut provocateur et même engagé : « Il est des pays/ et les montagnes rocheuses/ des lointains/ où je n'ai pas/ marché/ et des terres d'Asie/ des tiers/ où ils n'ont pas/ mangé ». La brièveté permet souvent cette sorte de justesse qui n'est que justice. Il en est de même de la gloire des couchants : « reparaît le matin/ lavé des souillures/ blancs lumineux prêt/ à replonger/ dans l'immonde »
Ce qui n'empêche pas le poète de s'inquiéter de lui-même : « je vis de mon sang/ je vide mon moi/ dans l'eau première », où le jeu de mots met l'accent sur les cris des êtres.
Au total, une petite anthologie, à la mesure des poèmes, pleine de surprise et de sensibilités.

A propos de Poésie/première n°51, nov 2011, numéro spécial Humour et Poésie d'aujourdhui

Quinzaine littéraire 1-15 dec 2011

« Humour et poésie d'aujourd'hui » est le dossier établi par Guy Chaty et Jean-Paul Giraux qui occupe quasiment la totalité du dernier numéro de Poésie/première. Ce panorama divertissant de l'appropriation de l'humour par les poètes s'articule autour d'articles de Jean Orizet (L'humour des poètes ou de l'insolence à l'espérance) ou Guy Chaty (Le calembour à l'insu ou non du plein gré) et de textes des poètes contemporains, dont certains sont inédits.

Basile Rouchin, Revue Interventions à haute voix, n°50, 2012

Numéro dirigé par G. Chaty et J.P Giraux. J. Orizet, après un rappel historique (présence de l'humour au XIXème siècle), opère une distinction: l'homme d'humour n'est pas un humoriste (comme l'homme d'amour n'est pas un séducteur). J. P Giraux, de son côté, (« De l'humour des poètes et ses contrefaçons ») note que l'humour "généralisé" peut générer de l'ennui. Il rappelle aussi son côté transgressif, irrévérencieux (cf. M. Alyn) et anti institutionnel (le mariage, les notables). Rire de. (distance), rire avec. (complicité) : proximité et mise à distance sont ainsi significatives lorsque l'on met « les rieurs de son côté ». D'ailleurs, pourquoi les français rient-ils des belges (dont on connaît l'humour) et non des gabonais ou des mexicains ? D.Leuwers parle ainsi de « critères sociologiques de l'humour poétique ». G.Chaty quant à lui, propose de traiter de l'humour involontaire «du calembour malgré soi ou pas ». Il s'agit d'abord une façon de « faire du texte » pour l'auteur : jeu qui peut se dérouler aussi à l'insu du lecteur distrait. Le calembour agit comme déclencheur, levier créatif d'un texte. On appréciera l'absence de propos savants, scolaires tendant à distinguer le comique, l'ironie, l'humour. : considérations incompatibles avec le sujet par nature, évanescent. Ici, l'humour s'y entrevoit bohème (cf. présentation de Bouchery, Couvé) et « vagabond » (Chenot). Ce dossier de 88 pages assorti d'un dessin (Chaval) offre une diversité de tons et de genres : autodérision (Camac, Campio, Jean Macé, Millas Martin, Simonomis, Tissot), humour à répétition (Touzeil), absurde/ parodique (Verheggen, L'Anselme), humour/sensibilité (Chaty, Dejaeger) entre autres. De la fable au slam, humour(s) et poésie(s) sont de sortie et ont encore, visiblement, de beaux jours devant eux (I.Calvino « Leçons américaines »). Le numéro se clôt sur une présentation de Milagros Teran par D.Leuwers suivie de recensions.

A propos de "A cheval sur la lune", illustré par Raphaël Lerays, éditions SOC & FOC, 2012

Villoteau, Site babelio 2 novembre 2012

Voici une très grosse trentaine de poèmes pour les jeunes de huit à dix ans. L'essentiel des sources d'inspiration sont les phénomènes naturels (comme le vent, la neige, la pluie ou l'orage) et les astres (soleil, lune et leur éclipse). En fait le contenu n'hésite pas à évoquer les conséquences du réchauffement climatique comme dans le poème "La terre est fâchée". L'illustration renforce de façon originale le sens en apportant par l'aquarelle une dose de légèreté dans l'imaginaire, développé en une dizaine de vers d'une dizaine de pieds. En s'appuyant sur des jeux de mots et des jeux de sonorité facilement repérables par les enfants, cet ouvrage peut inciter ceux-ci à imiter une des structures en mettant ses propres mots.

La terre est fâchée

La terre en a gros sur la patate
d'être maltraitée
comme une vieille savate.

Elle pleure à chaudes larmes
des pluies torrentielles
qui noient son chagrin
et beaucoup d'humains.

De colère
elle lance des éclairs
crache son feu d'enfer
gonfle ses joues d'océan
et au comble de la rage
envoie des raz-de-marée
sur les plages.

Vélo-voilé

La roue de mon vélo
est voilée
mon papa va
la réparer
Le soleil d'hiver
est voilé
Le printemps va
le réparer.

Paul Blaize, Site Obiwi 2 novembre 2012

Un joli recueil de poèmes magnifiquement illustrés à l'aide du pinceau ; ce graphisme renforce non seulement la dimension onirique des textes mais apporte une dimension sensiblement humoristique. Le titre "À cheval sur la lune" est bien significatif car c'est bien tout ce qui tourne autour de la lune, du soleil et des phénomènes météorologiques qui sont la base des sources d'inspiration de Guy Chaty. Les jeux de mots se conjuguent avec les jeux des sonorités pour mêler humour, imaginaire et mélodie. On se fera une petite idée de l'esprit créatif de l'auteur à travers ce poème "Un joli recueil de poèmes magnifiquement illustrés à l'aide du pinceau ; ce graphisme renforce non seulement la dimension onirique des textes mais apporte une dimension sensiblement humoristique. Le titre "À cheval sur la lune" est bien significatif car c'est bien tout ce qui tourne autour de la lune, du soleil et des phénomènes météorologiques qui sont la base des sources d'inspiration de Guy Chaty. Les jeux de mots se conjuguent avec les jeux des sonorités pour mêler humour, imaginaire et mélodie. On se fera une petite idée de l'esprit créatif de l'auteur à travers [le] poème "Vélo-voilé"
On peut imaginer ici de proposer au jeune de jouer lui-même avec "vélo" et "volé" ou "voilé" "poêlé". L'adulte qui accompagnera la lecture de l'enfant trouvera assez facilement dans nombre des poèmes une piste pour susciter la création propre chez le jeune dont il s'occupe.

Site crdp-Amiens 4 décembre 2012

Près d'une quarantaine de poèmes nous sont offerts dans cet ouvrage. Les textes sont composés d'une dizaine de vers composés d'une demi-douzaine de mots. Les sujets proposés concernent les éléments naturels comme le vent, les nuages ou le soleil, les animaux et ponctuellement la fée et la sorcière.
Le ton est frais et léger et certains poèmes peuvent être adaptés. Ainsi pour "À sa façon" on peut partir sur une onomatopée d'un autre cri animal et au lieu de faire lire le narrateur, on pourrait demander aux enfants de trouver un autre verbe produisant des formes courtes aux personnes du singulier présent comme "rire", "sortir " ou "aller" . Avec "Dans sa cage" on peut reconstruire sur le modèle d'un mot prolongé par une ou deux autres syllabes car Guy Chaty a utilisé conjointement "cage" et "marécage" ou sur l'exemple d'un changement d'un simple son car notre auteur a proposé "marrer" et "mirer".
Les jeux de mots s'allient aux images cocasses, tendres ou oniriques. Le graphisme, réalisé au stylo à bille et au pinceau pour obtenir un lavis, renforce le sens contenu dans le texte mais en y apportant pratiquement toujours une note humoristique et en tout cas toujours sensible.
À partir de 8 ans.

Patrick Joquel. Site Patrick Joquel 9 décembre 2012 (www.patrick-joquel.com)

De courts poèmes. Joyeux. Les mots jouent aux sonorités, aux multiples sens. Rien n'est aussi simple et facile qu'on pourrait le croire. Ça virevolte et caracole, carapate et carambole. A lire dès cinq ans si on a le désir de vivre en souriant, enfants sérieux s'abstenir à moins de vouloir tenter de sortir des lignes.
Les images accompagnent l'ambiance avec vivacité.
Une réussite d'équilibre et de fantaisie.

Alain Boudet. Site Alain Boudet décembre 2012

Guy Chaty a été instituteur. Et joueur, espiègle peut-être, cela se sent. Un sens du mot, du jeu de mot, des images parfois attendues, parfois étonnantes. Il nous offre là des poèmes dont la plupart régalera ceux qui aiment une poésie légère et ludique.

Soloeil

Le soleil
dans l'arbre
se brise
et dans mon oeil
s'irise

Jean-Paul Giraux. Poésie-sur-Seine n°81

On verra qu'ici, bien servis par une mise en scène colorée de Raphaël Lerays, les mots de Guy Chaty se mettent en quatre, se plient en deux, se regardent dans le blanc de la rime, se télescopent joyeusement, jamais à court d'étincelles poétiques qui feront briller les yeux des jeunes lecteurs. Tous - et les grands ne seront pas en reste - aimeront découvrir, à travers ces délicieuses comptines, la fantaisie des saisons, celle tout aussi imprévisible des êtres et des choses quand la poésie, en danseuse sur son vélo magique, en met "un rayon /pour filer/ Comme une étoile". Une indiscutable réussite.

Françoise Siri. Revue Texture, site de Michel Baglin, mars 2013

À cheval sur la lune, on est plus près des Nuages, comme celui-là qui dépérit en pluie : « À tout âge/ le nuage / est nu / Quand il a trop couru / il est en nage/ il sue ». Mot pour un autre et jeux de mots vont bon train dans ce recueil printanier et doux, où les sonorités et les onomatopées s'ébattent en liberté dans l'herbe, et dévalent les pentes en roulant sur elles-mêmes comme des enfants. Ceux qui connaissent les livres de Guy Chaty ne s'en étonneront pas : malicieux, lucide, toujours généreux, il orchestre la ronde d'une quarantaine de poèmes courts et ludiques. Les lavis accompagnent les poèmes de manière légère, la maquette est aérée. Le lecteur respire de grandes bouffées d'air frais en se promenant au fil des pages. Il picore, il s'arrête, cueille un poème, y retourne. Ancien instituteur, le poète donne la parole aux maîtres et aux maîtresses, au milieu des paroles des enfants. Il distille des petits conseils de vie, des sagesses sans en avoir l'air -« Chacun sa place », « À sa façon » - et des poèmes-câlins : « Pourquoi courir dans la cour (.) Plutôt jouer sur ta joue ! » On sent un univers riche qui affleure derrière le jeu des syllabes. Un joli livre à mettre entre toutes les mains, de 8 à 108 ans et plus !

Claude Albarède. Diérèse n°59/60 Printemps 2013

Comptines et racontines, tel est l'objet du petit recueil que le poète Guy Chaty vient de publier aux toujours plaisantes éditions SOC&FOC, agrémenté des cocasses illustrations de Raphaël Lerays. Tenir le fil de cette voix d'enfance, laquelle est en fait celle de l'adulte en poésie qui a su garder le contact avec les récrés buissonnières, constitue la plaine réussite d'un auteur grand chevaucheur de lune s'il en est, et jetant sur terre son humour pétulant :
A tout âge
le nuage
est nu
Quand il a trop
couru
il est en nage
il sue
Guy Chaty s'est donc acoquiné avec les lois de la comptine, où les sons se répondent et les rythmes tourneboulent. Façon savoureuse de créer l'ambiance et de se libérer du cogito :
Mon parapluie était derrière
Le vent l'a mis
devant.

Mon chien était devant
le vent l'a mis
derrière.

Mon parapluie s'est retourné
Mon chien aussi
tout chamboulé

Mais il y a plus qu'une esquisse d'anecdote dans chaque texte, une petite scène vécue, une fabulette où l'oil vif du poète s'accompagne d'un clin de satire contre les vicissitudes de l'air ambiant :
Quand le soleil a une poussière
dans l'oil
il pleure
quelques rayons tout noirs
qui donnent sur la terre
les méchancetés du soir

En un mot, voilà un petit recueil qui requinque en ces temps rabougris et ras-du-gris !

Sylvestre Clancier. lettre du P.E.N. Club Nouvelle série n°15 mai 2013, et site

Avec A cheval sur la lune, Guy Chaty, qui en poète sait merveilleusement jouer avec les mots, nous enchante. Mais il n'est pas seul à le faire, il a trouvé en Raphaël Lerays, grâce au choix de son éditeur SOC & FOC un fantastique illustrateur. Celui-ci fait mieux qu'accompagner ces poèmes, comptines et fabulettes de Chaty. En effet, avec son talent de scénographe et de réalisateur de dessins animés, il met ici particulièrement en valeur au moyen de dessins extrêmement originaux et inventifs les textes plein de grâce et de poésie de l'auteur. Ainsi, du vélo-voilé au vélo-soleil, du halo de la lune à la lune immobile, de l'oiseau mésange qui se mouche dans les nuages au manège des nuages lorsque l'orage éclate, nos deux artistes en parfaits funambules à l'imagination débridée nous font faire un bien joli voyage.
Un livre conçu et pensé pour des enfants de 3 à 7 ans à mettre de toute urgence entre toutes les mains de 7 à 107 ans.

Jacqueline Persini Panorias, site Alain Boudet, juin 2013, puis Revue Saraswati n°13, 2014

À cheval sur la lune, on voyage forcément dans un pays imaginaire où se gobe le soleil comme un oeuf à la coque. Et les chamboulements que suscitent vent, pluie, tempête sont prétexte à trouvailles et à éclats de rire. Juste un élément grave : « La terre en a gros sur la patate/ d'être traitée et maltraitée/ comme une vieille savate.». Une terre qui ne décolère pas et « au comble de la rage/ envoie des raz de marée / sur les plages ». Les jeux avec les lettres et les sons donnent envie aux lecteurs petits ou grands de jouer aussi avec les éléments du monde (oiseau, fleur, nuage, poussière.etc.). Et l'humour déplace, détourne le réel, le transfigure, lui donne une saveur douce ou piquante. La poésie est offerte à tous avec des mots simples : « La feuille se trémousse/ toute nue sur la mousse ».
On marche au galop de la jubilation et de magnifiques illustrations animent des êtres lunaires, surnaturels qui nous attirent dans les airs ou dans d'étonnantes aires. À enfourcher prestement et à ne pas lâcher- ce cheval sur la lune-

Odile Bonneel, Revue Inter CDI( Centre Documentation Information Enseignement secondaire) n°242

SAISON - TEMPS - HUMOUR. Un beau poème inaugural : Le soleil s'est levé / comme un oeuf à la coque... Vent, neige, nuages, un temps gla-gla de verglas. La canicule aussi : Ifécho dit le boucher... On cuit cuit dit l'oiseau... Yapludo dit le héron. Une série de poèmes sur la lune : Pourquoi le soir la lune a un halo ? / C'est parce qu'elle téléphone !. Les colères de la terre, inondations, éruptions, tsunamis. Du côté des illustrations, effets de vent et de tempête ébouriffants. Un rapport texte/illustration qui respire : petites touches gracieuses, harmonie des couleurs, une petite pointe de féerie, Un très beau recueil poétique climatique.

Pol-Jean Mervillon, le Petit Quentin, mai 2013 n°286

Guy Chaty, poète, nouvelliste, essayiste, critique, auteur de théâtre, connait bien l'enfance. Mais ce beau recueil, superbement illustré par Raphaël Lerays, s'adresse aussi aux adultes qui savent encore rêver et espérer tout en étant lucide. Pourquoi ce soir la lune a un halo ? C'est parce qu'elle téléphone.

Jean-Christophe Ribeyre, Verso n°153

Il s'agit d'un recueil de poèmes destiné à des enfants de 7/10 ans. Les textes regorgent d'inventivités et de jeux de mots. Ainsi ce "Vélo-soleil": Je roule sur deux soleils/ et j'en mets un rayon / pour filer / comme une étoile ou ce poème sur la nuit : La nuit a tiré le rideau / sur le ciel / et la terre entière / est tombée dans le noir. / Alors pourquoi mes rêves / étaient-ils en couleurs ?. Ajoutons enfin que les illustrations de Raphaël Lerays sont de très bonnes qualités et confèrent une densité plus grande encore aux poèmes de Guy Chaty.

Jean-Pierre Desthuilliers, Jointure n°95, mai 2013

35 fabulettes haikoumorphes. Les mots y jouent à saute-rime. Les textes à cache-image. L'auteur à lutine-lune.

JulesRomans, critiques libres, 23 juin 2013

La note: 10 etoiles Visites : 363
"À cheval sur la lune" est un livre de poésies, paru chez Soc et foc, pour les 7-12 ans; il évoque des phénomènes atmosphériques ou climatiques. Alors que l'on est régulièrement sensibilisé à des désastres météorologiques et que la couleur du temps est souvent relevé quotidiennement en classe, cet ouvrage permet de faire un lien entre la science et la littérature.
Les modèles fournis peuvent être assez aisément repris pour une création personnelle de la part des enfants. Ainsi on pourra trouver une autre image pour caractériser le bruit de l'orage ou changer la réparation du soleil d'hiver voilé en remise dans un état supportable du soleil d'été par une douce averse. La peur de la tempête pourra être remplacée par le plaisir de se sentir transporté à quelques mètres par une rafale de vent. Ouvrage très bien illustré à l'aide du pinceau avec un renvoi discret au contenu du texte et belle esthétique.
Voir d'autres livres de poésie pour enfants et adolescent chez le même éditeur dont "La tête tombée" et "Naviguer dans les marges".

Philippe Biget, Friches n°114, octobre 2013

Si vous voulez offrir un cadeau original à un enfant d'une dizaine d'années, n'hésitez pas, procurez-vous le dernier livre de Guy Chaty. Une bonne trentaine de courts poèmes amuseront le jeune lecteur tout en cultivant son rapport ludique au langage. L'auteur joue malicieusement avec les mots, avec les sons :

Bambous et bambins

Le soleil et le pluie
font pousser les bambous
Mon père et ma mère
font souper les bambins
Chacun son boulot

Il convient de féliciter l'éditeur d'avoir confié l'illustration à Raphaël Lerays. Il est rare que la complémentarité texte/image soit aussi agréable et efficace. C'est un adulte resté quelque peu enfant qui vous le dit.

Muriel Camac, http://murielecamac.blogspot.fr, novembre 2013

Guy Chaty est un poète délicieux et un comédien éprouvé. Il faut le voir et l'entendre lire ses petits textes subtilement orfévrés pour en apprécier pleinement la saveur : humour, légèreté, esprit d'enfance, profondeur cachée. Bon, on peut aussi se les lire tout seul à voix basse et ça fait très bien l'affaire. Ou bien les lire à voix haute à un enfant si on en a un sous la main : son dernier recueil en particulier, A cheval sur la lune, entrera dans les jeunes oreilles comme dans du beurre. En plus, dans A cheval sur la lune, on aura en prime les dessins très réussis de Raphaël Lerays. Raphaël Lerays, c'est tout pareil que Guy Chaty : humour, légèreté, esprit d'enfance, profondeur cachée. Mais avec des taches de couleurs.

Vélo-voilé

La roue de mon vélo
est voilée
Mon papa va
la réparer

Le soleil d'hiver
est voilé
Le printemps va
le réparer

Poussière

Quand le soleil a une poussière
dans l'oeil
il pleure
quelques rayons tout noirs
qui donnent sur la terre
les méchancetés du soir



Le goût des livres, http://legoutdeslivres.canalblog.com/archives/2013/11/27/28524310.html#c58840172, 27 novembre 2013

Rouen aussi a son festival du livre jeunesse, plus modeste que celui de Montreuil certes, mais qui permet de belles découvertes. Je ne vous étonnerai pas en vous disant que j'aime offrir des livres aux enfants qui m'entourent et j'ai craqué devant le stand d'une petite maison d'édition vendéenne "Soc & Foc".
De la poésie joliment illustrée, une qualité soignée, des tirages limités, si je m'étais laissée aller j'aurais rempli un panier .. Celui-ci, j'ai su tout de suite à quelle petite fille j'allais le destiner.
Les poèmes parlent tous des éléments, des astres, de la terre. C'est imaginatif, traversé d'un délicieux humour. C'est gai, le jeune lecteur peut jouer facilement avec les mots, et s'il est destiné aux enfants de 7-10 ans, rien n'interdit d'en profiter de 7 à 77 ans !
Les délicats dessins au pinceau de Raphaël Lerays m'ont enchantée, la mise en page est aérée, les couleurs superbes. Deux extraits pour vous donner une idée :

Bambous et bambins

Le soleil et la pluie
Font pousser les bambous
Mon père et ma mère
Font souper les bambins
Chacun son boulot

Une ou deux

La lune se mire dans le lac
On voit deux lunes
en même temps
Vraie dans le ciel
Reflet dans l'eau
L'une ne va pas
sans l'autre

Ce recueil est en lice pour le Prix des Lecteurs "Lire et faire Lire-Printemps des Poètes" 2013-2014 Il a finalement eu le prix.

Sélection littérature jeunesse 2013, http://www.lireetfairelire.org/content/selections-du-comite-de-lecture-national

Délicatesse et finesse des illustrations qui accompagnent ces textes courts et très imagés. La lune, le soleil, les saisons, les climats sont mis en poésie avec une douceur plus que séduisante. Les plus grands ont composé des textes en s'inspirant du recueil.

Eliane Biedermann, Interventions à haute voix n°52, février 2014

Ce très joli livre se compose de poèmes souvent courts, adressés aux enfants, et accompagnés d'illustrations pleines d'humour. L'ensemble est un régal pour les yeux, ne pouvant qu'éveiller l'imagination des jeunes lecteurs grâce à des jeux de mots, et aux sonorités qui se bousculent en cascades. La météo y est évoquée sous tous ses aspects, avec ses conséquences parfois cruelles : « La terre en a gros sur la patate / d'être traitée et maltraitée / comme une vieille savate.(...) De colère / elle lance des éclairs / crache son feu d'enfer / gonfle ses joues d'océan / et au comble de la rage / envoie des raz-de-marée / sur les plages. »
Certains poèmes très courts amusent à la manière des devinettes de notre enfance : « Pourquoi ce soir la lune a un halo ? / C'est parce qu'elle téléphone ! ».Ce livre séduisant, tant par son contenu que sa présentation, ravira les poètes en herbe, en entrouvrant pour eux le domaine trop souvent éloigné de la poésie, ici mise à la portée de tous tant elle transforme par sa magie notre quotidien : « Le soleil et la pluie / font pousser les bambous / Mon père et ma mère / font souper les bambins : chacun son boulot ».

Francine Caron, Portulan n°15 & 16, Editions Voix Tissées, mai 2014

Adorable « À CHEVAL SUR LA LUNE » de l'ami GUY qui nous convie, pur magicien, à son esprit d'enfance, à notre propre esprit d'enfance. Un vent de fraîcheur passe, qui emporte le tout. De plus, me confie Guy : l'éditeur a su convoquer Le bon illustrateur...alors, on en VOIT dès l'abord de toutes le couleurs. Bravo à Raphaël Lerays ! Pour son bambin endormi page 35 dans les étoiles-pétales, le chat avachi au hamac sur une pleine page 16 de Verdure. Pour la tempête bleu acier (p.7) qui embarque en son bric-à-brac ( affreux fric-frac) un chat déboussolé, des zwazo, des branches z' et des feuilles, sans doute aussi des baldaquins de lits gigognes ? Notre imagination au pouvoir !

Mais retour aux SENS particuliers du Poète. Comment ne pas être sensible à une formulation définitive, telle que celle-ci : NUAGE « À tout âge / le nuage / est nu / Quand il a trop couru / il est en nage / il sue » (p.5). Pas un mot de trop, l'essence du nuage cavalier est là, impertinente...et fort pertinente quant à l'enfance, dont on sait l'intérêt - immodéré - pour moultes secrétions intimes ! Quand au lecteur (adulte ? et plus classique) ne sera-t-il pas comblé par le mètre, en constatant qu'un alexandrin bien huilé se cache (comme nous le vîmes en une certaine étude bachelardo-chatyenne*) derrière un bel et premier Énnéasyllabe...Noble bal(l)ade d'Énée ?

Quant à ladite tempête bleu acier, elle est née de neuf vers - des plus taquins - de quatre syllabes. Où sont emportés (il faut pardonner son audace à cet Élémentaire vent majeur) presque tous les fameux E, muets, si chère à la commentatrice...qui doit les supprimer en sa saisie :
'Partout ça pet' / c'est la tempêt' / les arb' se plient / ou cass' tout net /
CassE-noiset - / tEs Castagnet' / Partout du bruit / je cach' ma têt' / dessous la couet'.
La Comptine est là. Et oui, Cher Guy, voilà qu'on se surprend à le CHANTER !
Il est par ailleurs de ravissants inattendus (d'une parfaite logique « enfantine » ; questions, et / ou solutions infaillibles).

LA NUIT : « La nuit a tiré le rideau / sur le ciel / et la terre entière / est tombée dans le noir / Alors pourquoi mes rêves / étaient-ils en couleurs ? » (p.34) Voire VÉLO-VOILÉ : « La roue de mon vélo / est voilée / Mon papa va / la réparer // Le soleil d'hiver / est voilé / Le printemps va / le réparer » (p;15)

On est charmé encore (p.29) par LA LUNE IMMOBILE : « La lune en a assez / de changer de quartier / si souvent // Elle a décidé / de ne plus bouger.../ s'arrêter enfin / pleine, ronde / et lisse / reine de la nuit » . Un charme, à la fois simple et raffiné, qui fait rentrer la Lune dans la structure de la Ville, puis - n'est-ce pas - dans les royaumes mozartiens.

Ici ou là, les chutes chatyennes nous enchantent. LE VENT :(...) «  Mon parapluie s'est retourné / Mon chien aussi / tout chamboulé ». - LE SOLEIL : (...) « Illico me suis levé / comme une poule pond un oeuf / pour manger le soleil / à la cuillère ».

En somme le Ton a été donné avec bonheur dès les deux premiers poèmes. Et l'enfant, ravi par la vision d'un « chien (...) tout chamboulé » , pourra se livrer au plaisir des SONS, plaisir des nouveaux mots à créer lui-même, suggérés aussi bien, expliqués, décomposés, désossés à partir d'un exemple ludique, à la façon du chien tout chamboulé...qui va débouler aussi bien en boule, en boulet. Etc !

Qui a dit que le poète inspiré inspire ? On ne voit pas pourquoi la poésie dite enfantine serait privée de cette grâce. Oui, bravo et merci à Guy CHATY & à ses complices susnommés.

« À cheval sur la lune » ou encore : au plaisir de la langue, dès le plus jeune âge, en cet ouvrage.

* l' « étude bachelardo-chatyenne » plus exactement dire : « Le poète Guy CHATY; Étude de « Mes Navires (Éditions de l'Atlantique). Un art de vivre en la totalité du monde » est parue dans le n° double 81/82 de la revue Posésie sur Seine (mars 2013) sous la même plume.
**comme annoncé, je me suis permis de supprimer / sauf deux cas / les E muets du poème LA TEMPÊTE. De sorte que ce « nouveau » poème est placé entre guillemets uniques pour la démonstration presque à chanter de cette aimable Comptine.

Basile Rouchin, Portulan n°15 & 16, Editions Voix Tissées, mai 2014

Le recueil se compose de 35 textes courts accompagnés d'illustrations peintes à l'aquarelle. Faussement désinvolte (" La nuit "), cocasse, l'illustration s'accorde aux textes avec légèreté. Elle en reprend parfois les termes (" Verglas ") ou à l'inverse, s'efface à son profit (" Vélo-voilé ", " Le halo de la lune "). La mise en page est variée, aérée. Certains textes opposent parfois deux réalités, les rapprochent (" Vélo-voilé ", " Eclipse ", " La fée et la sorcière "). Des messages bons pour grandir sont lancés (ex : " souper " versus " pousser "  in " Bambous et bambins ") mais " Chacun sa place ".  Ainsi " la fleur écarlate sortant de son pot ", quitte son milieu, se fane et l'oiseau dans sa cage, déprime. Alors qu'un enseignement se dessine (présence de l'instituteur/ trice), une sagesse prudente mais souriante émerge. Elle rappelle les risques découlant d'alliances (" Regret de gouttes ") ou de comportements déplacés (" La feuille nue ", La fleur écarlate ", " Cet air-là ". De même, les voyages comportent des écueils (" Goutte de pluie perdue "). Les plaisirs de la sieste et du rêve ("Mic-mac ", " La nuit ", " La lune "), les jeux sous la neige, dans le vent, les moments passés avec ses parents, en compagnie des animaux ou face aux éléments, s'avèrent être des sources de satisfaction, de rire et d'étonnement : " Avec le bonhomme / on se bidonne / Avec les flocons / on s'étonne" (" Neige "). Dans " A cheval sur la lune ", Guy Chaty passe d'un monde à l'autre, de la nuit au jour, de l'univers à soi et réciproquement. L'enfant malicieux évite de chuter sur le verglas, se contente de ce qu'il a (" Pourquoi ") ou apprend à regarder le soleil de biais (" Soloeil "). Allégrement, ces poèmes franchissent le fossé des générations.

A propos de Dans le jeu la vie, nouvelles, éditinter 2015

Jean-Paul Giraux, Poésie sur Seine n°89, 2015

Dans ce dernier recueil, Guy Chaty nous offre à déguster 22 courtes nouvelles, la plus longue n'ayant que huit pages. C'est dire que, selon l'excellente formule de Jean Cocteau, il lui revient à chaque fois de viser vite et juste. Pas question pour lui de traîner en route et de laisser le lecteur se reprendre pour échapper à l'engrenage implacable de la fable ou du conte qu'il conduit, avec l'humour qu'on lui connaît, dans ses conséquences les plus ultimes ou les plus inattendues. Ainsi, sommes-nous constamment confrontés à cette réalité biaisée à quoi se reconnaît la difficulté de vivre. Ici, le lion est végétarien ou l'âne est amoureux de la charmante écuyère. Là, les personnages s'entêtent à porter des prénoms dont le genre est aussi indéterminé que le sexe des anges. Voici à présent un pianiste dont le talent est d'abord d'obéir à la nature féminine et exigeante de sa partition. Bref, dans ces nouvelles comme dans la vie, le drame est à fleur d'histoire, même si l'auteur répugne aux fins tragiques. Mais comment empêcher les avions d'exploser en plein vol ?

Claude Alabarède, mai 2015, revue Brèves n°107

La vie doit jouer, sinon elle n'est pas supportable. Non qu'elle soit un jeu, mais qu'elle ait du jeu. C'est cette aisance oxygénante que Guy CHATY offre à la vie avec ses petites proses et ses nouvelettes réunies sous le titre « Dans le jeu la vie » et parues aux éditions Editinter. Alors, allons-y ! Pour nous détendre et nous amuser le poète ne nous prive pas d'insolite et d'humour. Un humour pétri de vécu, et qui fait jaillir la vie partout où il passe. Et il passe partout. C'est une clé. Que dis-je une clé ? Un oeil qui, dans le trou de la serrure, va toujours plus loin que la clé ! Humour insolite qui nous montre, à vue, la vérité humaine, non celle qui prend la tête, mais celle qui se renverse à hauteur des banalités les plus simples et toujours transfigurées. C'est ainsi qu'on assiste à des rencontres à la Ionesco, à des décalages à la Tati, à des incivilités à la Queneau, à des innocences barbares à la Boris Vian, toujours dans un style vif, aéré, original, teinté d'érotisme qui est la marque du poète. Mises à la portée de tous, ces scénettes nous accrochent par leur ton faussement naïf, celui d'un lampiste qui sait habilement manier les couleurs de sa lanterne, et pointer la flamme dans le sens d'une satire toujours doublée d'indulgente moquerie. Ainsi le lecteur, qui se divertit sans se lasser, qui rencontre un drôle d'âne, un drôle de loup, un drôle d'agneau, un drôle de parasol, qui assiste à une dissection originale de cadavres, qui perd son latin devant la confusion des genres, le lecteur, dis-je, découvre peu à peu que sous ces jeux de rôles apparaît sans faiblesse l'acuité du moraliste. Je dis bien moraliste, tout à fait le contraire du moralisateur.

Georges Cathalo, Site de la revue traversées (https://traversees.wordpress.com), 10 août 2015

L'exergue de Raymond Queneau est là pour rappeler la fugacité des existences. C'est une excellente porte d'entrée pour ces 22 textes relativement courts, textes dans lesquels les dialogues occupent la plus large place. L'auteur s'y ingénie à décaler une rationalité sclérosante. Il use de jeux de langage et de pirouettes pour entraîner le lecteur dans d'improbables situations.

Jacques Morin, Revue Décharge 167, septembre 2015

C'est un recueil de nouvelles, parfois assez courtes. J'ai manqué de laisser le livre, et la critique, à mon ami Alain Kewes, le spécialiste de la chose, puis lisant la première histoire, je me suis laissé prendre et ai lu toutes les autres d'un coup. Ce qui vaut une critique en soi ! Alors je ne vais rien résumer comme dans un film à sketches. Guy Chaty, c'est souvent piquant, et c'est pour ça qu'on l'apprécie. Certaines nouvelles se cantonnent à un dialogue, d'autres mettent en scène des animaux comme dans des fables ou dans des contes. Enfin l'humour et l'esprit sont omniprésents. Puis le titre augure parfaitement le contenu. C'est le dix-huitième recueil de Guy Chaty, revuiste multicarte, qui travaille aussi bien à Poésie/première qu'à Interventions à Haute voix ou Poésie sur Seine.

Basile Rouchin, Revue Portulan bleu, n°19, septembre 2015

Dans ses précédents travaux, Guy Chaty avait abordé la notion de « vie » sous différents angles. Du struggle for life (L'Immoralité de la vie) à la rencontre sentimentale, en passant par une réflexion sur le temps (La vie en raccourcis), « la comédie humaine » (Coup d'oeil en coulisse) ; la vie (et non l'existence) y était déjà associée au « jeu ». Dans ce nouveau recueil, la connivence est scellée : le jeu mène (à) la vie.
À l'image de nos sociétés standardisées où la rentabilité est la valeur sûre et la mise au ban de plus en plus fréquente, le « jeu » devient sélectif voire éliminatoire (« La quantité », « L'agneau et le loup », « Micro-journalisme »). Pire, la vie devient un jeu « mortel » relevant du massacre (« Ni chaud, ni froid ») ou d'un pari risqué (« Le locataire » : un coup de roulette russe ?). Le jeu est alors combat (agôn), selon la classification de Roger Caillois (Des jeux et des hommes).
Jamais vénal, snob (les jeux de princes ?) ou pervers, le jeu chez Guy Chaty a plus souvent à voir avec le consentement de ses acteurs, supposant, comme au théâtre, un minimum de règles fussent-elles changeantes, discutables, sujettes à caution ou à révolte (« Contestation chez les merlettes » évoque la parité mâle / femelle ; « Quand alors ? » traite du refus de naître au monde).
Aussi, l'imagination joue des tours à celui qui attend (« La graine ») et l'érotisme s'épanouit dans l'ambiguïté des genres, la permutation des rôles, le mimétisme. Les situations s'avèrent parfois embarrassantes (« Jeu ? », « Le valet et la dame » où une dernière carte est jouée ; « Oussekellabienpu »). Néanmoins, la séduction opère, semble-t-il, à travers de nombreux dialogues (« L'âne amoureux », « Le lion végétarien »), la musique (« La partition ») ou la danse (« La danse des pavés »). Jouer / être le jeu de. et « se laisser aller à une juste cause » (cf. p 68) : un modus vivendi ?
En référence à Raymond Queneau, cité par deux fois, le langage source d'expériences ludiques et stimulantes permet de réécrire le réel pour l'adoucir (« Le locataire ») ou le provoquer (« Quand l'avion explosa ») en écornant au passage ceux qui « abusent » des mots, les amateurs de prémonitions dont font partie certains auteurs.
Par le truchement d'énigme (un livre sans lecteur in «La bibliothèque verte »), voire d'enquête (« Micro-journalisme »), Guy Chaty se joue avec un brin de malice du lecteur dans des nouvelles à tiroirs. Il confond même le narrateur (« Il ou elle ? ??).
Sans tricher (on notera la thématique du dénuement matériel et de la nudité), ni prétendre ironiser sur nos instincts (Jankélévitch) ou notre fin programmée, Guy Chaty nous rappelle cette présence du jeu dans notre quotidien, telle une possible liberté gagnée sur nous-mêmes, nos émotions (peur), nos états (angoisse, toute-puissance, attente).Et tant que dure le jeu : la vie va, le « je » vit.


Jean-Pierre Lesieur, Comme en poésie n°63 (extrait de Cité critique)

Guy CHATY, participe à de nombreuses revues, il publie chez éditinter, sa maison mère, en quelque sorte, Dans le jeu la vie. De courtes nouvelles dans lesquelles il déploie toute sa verve et son humour, avec un penchant pour la nudité des dames. Après Guy, Poésie première 61, vient naturellement à mon oeil exercé.



Alain Wexler, (Extrait de Verso à la Lucarne des Écrivains, 6 octobre 2015).

Guy Chaty vient de publier chez Editinter : « Dans le jeu la vie » où la parole se substitue au réel, comme cet âne qui veut devenir homme, cette phrase qui peut devenir le corps d'une belle inconnue. Mais cela peut se retourner. Un chef d'oeuvre.



Philippe Biget, Revue Phénix, novembre 2015.

Souvent prisé au théâtre, et au cinéma, le mode burlesque a du mal à trouver sa place dans le domaine de l'écriture romanesque. Comme si les auteurs avaient de décidé de « se prendre au sérieux », d'éviter le risque d'être jugés primaires, enfantins, voire clownesque. Que diable, détendons-nous : qu'est-ce que le burlesque sinon l'un des multiples moyens dont dispose l'écrivain pour échapper au réel afin de mieux en douter, le démasquer et, en définitive, l'élucider ? De telles pensées pourront utilement accompagner la lecture des vingt-deux nouvelles qui composent le nouveau recueil de Guy Chaty. Nouvelle, terme que ne convient qu'à deux ou trois textes, les autres étant des historiettes de une à trois pages, leur brièveté contribuant souvent à leur force de percussion. Relisons par exemple L'âne amoureux. Dans un cirque, un âne et une écuyère sont follement amoureux au point de vouloir se transformer pour ressembler à l'autre, en changeant de case dans le règne animal ! Quand ils y parviennent tous deux (ne me demandez pas comment), ils se retrouvent à nouveau dissemblables, et désespérés de l'être restés. Évidemment, si le lecteur prend cette fable au premier degré, il rejoindra le club des « lecteurs sérieux » et ne la fera même pas lire à ses enfants. Par contre, s'il se demande quoi faire quand on est amoureux : ressembler à tout prix à l'autre, rester farouchement soi-même, ou trouver un subtil compromis entre ces deux attitudes, il rejoindra, certes par d'autres moyens, un champ de réflexion voisin de celui d'un Marivaux par exemple. Guy Chaty (qui a placé en exergue une citation de Raymond Queneau) aime le mot jeu comme son titre l'indique. Si la vie est un jeu, pourquoi ne pas jouer, nous dit-il avec un mélange de philosophie et d'insouciance, parfois épicé d'un zeste de perversité ? Prenons-le au sérieux.

Michel Baglin, Site Texture, janvier 2016.

Guy Chaty est poète et nouvelliste (mais il écrit aussi depuis 1977, récits, théâtre, essais et chroniques). Parmi ses dernières publications, un recueil de proses courtes, « Dans le jeu la vie  », organisées autour du thème du « jeu », entendu à la foi comme activité ludique et comme « jeu dans les rouages des conduites humaines ». C'est la première acception qui prévaut dans la nouvelle inaugurale, où un homme drague une femme en feignant de la connaitre, avec une phrase banale du genre « Tiens, quelle coïncidence, comment vas-tu ? ». Mais au lieu de se faire rabrouer, il a la surprise que la jeune femme entre dans le jeu. Méprise ou défi relevé ? Au terme d'une nuit délicieuse, la question reste entière...
Cette veine qui nous fait flirter parfois avec le fantastique est très présente dans le recueil, l'humour peut y être noir (dans « Ni chaud ni froid », une serial killer excelle dans l'art de la découpe), la plume y joue des décalages du burlesque ou, dans des textes très courts (une page à peine), d'une sorte d'approche surréaliste (« La graine »). Mais rien ne colle jamais vraiment : c'est le fameux « jeu » qui contribue au vivant. On est parfois proche de la fable (« L'agneau et le loup », « L'âne amoureux », etc.), d'autres fois de la chronique farfelue ou de l'historiette moqueuse, mais toujours dans des fragments d'un discours facétieux. (Editinter. 90 pages. 15 euros)



Martine Morillon-Carreau, Site Traversées, février 2016 et revue Friches, n°121, juin 2016.

Il y a jeu et jeu ! Celui par exemple de l'enfant endossant, le temps de son jeu, le personnage d'une personnalité autre, mais jeu que pratiquent aussi certains adultes du livre de Guy Chaty, tel ce narrateur-protagoniste de la première nouvelle, justement intitulée « Jeu ? », pour le plaisir et le temps d'une rencontre amoureuse au cinéma ! Mais, au sein même de ce ludique canular, vient se greffer un autre type de jeu, ce défaut de serrage entre les deux pièces d'un mécanisme, qui va en perturber bientôt le fonctionnement. Ici, le joueur se trouve pris, par sa partenaire, à son propre piège - à son propre. jeu - jusqu'au « Qui suis-je ? » final, interrogation tout existentielle, qui n'empêchera pas l'élégante pirouette de la chute.
Ainsi, tout au long du livre, l'auteur ne se prive-t-il pas de jouer à son tour. Le poète Guy Chaty n'est-il pas également acteur - un auteur-acteur dont le goût pour le théâtre transparaît dans quelques-unes de ces nouvelles construites comme de vraies saynètes ? Dans le jeu la vie témoigne en tout cas, au fil des vingt-deux nouvelles, du jeu de leur auteur avec la langue - celle du bois dont on fait les clichés et le prêt-à-penser - celle ne disant le plus souvent, sans nous laisser loisir d'y prêter attention, que l'enchaînement de situations convenues ou les rouages de conduites humaines, dont l'auteur s'amuse au contraire à questionner, détourner les automatismes habituels. Un ton - toujours sur le mode humoristique (ô le cocasse « Parasol fou » !) cher à un auteur passionné de Raymond Queneau - qui amène le lecteur, au-delà de son premier mouvement de plaisir amusé, à s'interroger sur les comportements sociaux courants ou les identités sexuelles (celles de Claude et Camille dans « Il ou Elle ? ») voire l'indécidable et réversible appartenance à l'espèce humaine et/ ou animale, comme dans « L'âne amoureux ». Mais l'humour pratiqué par Guy Chaty est parfois noir : « Quand l'avion explosa », l'ultime brillante nouvelle, met allègrement la narration en abyme, dans une sorte d'écriture spéculaire, qui amène à douter jusqu'au bout de qui écrit quoi, tout en mimant jusqu'au vertige le tourbillon endiablé du crash final !



Héronimis Parminos, Viridis Candela - Le publicateur du Collège de 'Pataphysique 9ème série - numéro 7 - Page 110, 2016

22 ! VLÀ DES NOUVELLES ! Des nouvelles de là, des nouvelles d'ici, des mauvaises et des bonnes - c'est un livre -dans ce petit paquet de feuilles nous en dénombrons vingt-deux. Aussi brèves que truculentes nouvelles ! En probabilité, un métrage court sera toujours moins sujet à étaler des longueurs infinies ... Il s'agit d'un concentré d'inventives digressions ouvrant l'espace à d'inattendus aléas du merdre-je-ne-pensais-pas-que-ça-finirait-comme-ça. Prouvant une fois de plus-et toujours n'étant pas coutume- que le mieux est encore de ne pas trop penser mais juste de se laisser aller dans le vortex des sorties de bibets et de virages, tuyautés par l'effet du Clinamen et sa pétée d'atomes qui de sa voix nous laissera souvent sans, mais avec une nano-spirale à faire un peu se touiller le bocal du chef par microtournis ... Ces petites récréations exposées en verbe littéraire par ce mathépoéticien, aideront à détendre les esprits penchés sur leurs équations dans leurs quêtes d'inconnues, en révélant humblement et tout simplement qu'une droite courbe peut aussi trianguler parmi quelques cercles-rectangles des hyparaperboles qui oscillent improbablement dans Dans le jeu la vie.



A propos de J'avais quelque chose d'urgent à me dire, La main aux poètes, Editions Henry 2015


Patrice Maltaverne, site poésie chronique ta malle, octobre 2015

"J'avais quelque chose d'urgent à me dire" est un livre de courtes proses de Guy Chaty, publié par les éditions Henry, dans sa collection "La main aux poètes". Ici, la poésie réside dans les mises en situation, caractérisées par des dédoublements de personnalité de l'auteur, qui se voit vivre comme s'il était un autre. Ainsi, dans les textes de "J'avais quelque chose d'urgent à me dire", le je est bien présent, mais ce je clinique ne cherche pas à englober le monde. Il s'observe, tout simplement.
Cette observation tient parfois du cauchemar, parfois de la science-fiction.
Car Guy Chaty est en phase avec la science actuelle, et les situations qu'il décrit, si elles ne sont pas encore réelles à ce jour, le deviendront sans doute un jour.
  Les sentiments dominants suscités par ces proses sont d'abord la surprise, puis le malaise. Un malaise qui souvent se résout avec la fin du texte, dans sa chute (loin d'être toujours prévisible). Tout de même, une part de mystère subsiste toujours au delà des mots, choisis avec précision, ce qui ne les empêche pas d'avoir une résonnance.
Voici "Mon double" extrait de "J'avais quelque chose d'urgent à me dire" :
 "J'ai un double. Nous avons chacun notre vie et nous retrouvons la nuit pour parler de notre cheminement. Le jour, nous risquons peu de nous rencontrer car nous vivons dans deux univers presque parallèles. Une fois seulement, j'ai aperçu mon double. Dans une rue d'Istanbul. J'ai été sidéré, suis resté figé. Il était sur le pont près des mosquées, regardant le Bosphore. Je ne voulais pas lui parler, je me suis sauvé car il était indécent que nous ayons un contact sous la lumière du soleil. La nuit, enfin, nous ouvre les bras."

Jean-Pierre Lesieur, Comme en poésie n°64, décembre 2015 (extrait de Cité critique)

Des moments de vie dans lesquels Guy ne peut s'empêcher de ''faire l'humour'', mais pas seulement, la parabole n'est pas loin ni la tendresse qu'on doit aux gens simples.


Jean-Paul Giraux, Poésie sur Seine n°90, décembre 2015

Comment échapper à l'absurdité du monde, son étrange capacité à contrarier nos désirs les plus légitimes ou, tout au contraire, à susciter les envies les plus irrecevables ou les plus dangereuses ? Le personnage central de ce recueil - un « je » multiple - s'efforce de tout concilier, mais la vie est ainsi faite qu'il ne saurait vraiment y parvenir. Des exemples simples : Je suis monté chez moi. J'ai sonné. Personne. J'étais sorti. Que faire ? Vous avez la solution, vous ? Voici un trou, certes ordinaire, mais comment éviter la peur d'y être aspiré, englouti ? Une échelle tombe du ciel : d'accord, il s'agit manifestement d'une provocation, mais comment résister à la tentation d'escalader les nuages et d'aller voir là-haut ce qui s'y cache ? Un petit dernier pour la route : votre double vous visite, de nuit de préférence, car ces gens-là sont volontiers noctambules, vous faites quoi, vous ? On peut prévoir que le lecteur avisé s'empressera d'aller chercher les réponses dans cet excellent recueil de notre ami Guy Chaty.


Basile Rouchin, Portulan bleu, n°20, mars 2016

Mais que contient ce quelque chose et si urgent message pour retenir ainsi l'attention de l'auteur et la nôtre ? Dans cette relation à soi, aux proches, aux mots, au monde, Guy Chaty nous éclaire. Il évoque aussi bien la présence du vide (" La poche ", " Au bord du trou ") que le miracle d'être en vie (" En descendant l'escalier "), relié aux autres (" Échelle de cordes "). Guy Chaty tend des mots rêches en rappel (" Paroles de mère ") ou les inscrit sous scellé (" Le secret "). Des mouvements en étoile traversent l'auteur et l'affectent : monter, descendre, sortir, entrer, se projeter. L'élan est là. L'urgence demeure. L'auteur réussit néanmoins à revenir à lui. Ici, des forces contraires évoluent : un élément naturel (" les mottes ") et / ou spirituel opère en conciliateur. Plus loin, un état second se dissipe ou est assumé après avoir livré bataille (" Coma ", " Je m'absorbe "). L'urgence ne réside-t-elle pas dans les questions posées dans ces poèmes en prose ? Quelle est ainsi la part de l'autre dans la connaissance de soi ? Advient-elle grâce au jeune homme que l'auteur a été (" Dédoublement ", " Présence "), au double qui l'habite, à l'être fragile qu'il dissimule (" Crainte ") voire à une facette de soi ignorée (" J'aimerai savoir si. ") ou qu'il expose à un public composé d'amis, d'anonymes ou d'élèves ? Au-delà de ses propres frontières intérieures, quels soins dispenser à ce monde dans lequel trottoir rime avec dortoir (" Où poser les pieds ? ") ? Comment conjuguer la résistance " aux inhumains ", " froids passagers " avec l'impérieuse nécessité de créer, d'aller de l'avant (" Les habits ") ? Ce petit livre qui n'est pas une bouteille à la mer, place le lecteur en spectateur attentif, prêt à ouvrir sa main, à seconder le passage du temps


Martine Morillon-Carreau, L'Estracelle

Si vraiment « l'humour est la politesse du désespoir » alors oui, attendons-nous dans le dernier recueil de Guy Chaty ''J'avais quelque chose d'urgent à me dire'' (publié aux éditions Henry en sa collection « La main aux poètes »), à tout autre chose qu'à ce premier sourire spontané suscité d'abord par une lecture superficiellement bien plaisante !
Poèmes et courtes proses ici rassemblés proposent en effet, sur ce ton d'apparence légère auquel le poète et nouvelliste Guy Chaty nous a de longtemps habitués, une vision décalée, insolite, profondément originale, de son ressenti personnel comme de la réalité du monde dans lequel nous vivons et que nous sommes appelés (entraînés comme malgré nous par le rythme aussi endiablé que faussement tranquille de l'auteur) à regarder sous un angle tout différent. Dans ce recueil, où le narrateur descend comme tout le monde « les escaliers du métro », il peut aussi apercevoir, « dans une rue d'Istanbul », son double avec lequel il craint d'entrer en contact, tout en révélant : « La nuit, enfin, nous ouvre les bras ». Une expérience de coïncidence onirique et poétique avec soi-même qui ne peut, comme celle de la beauté du monde - avec sa « douceur infinie » (elle qui, parfois, nous paraît pourtant « à portée de main ») - qu'être « éphémère », sans doute même finalement « échappe[r] » à celui qui se demande, tel le comédien pris de trac à son entrée sur scène : « Que fais-tu là ? »
Une interrogation existentielle récurrente au fil du livre, qui ouvre aussi à une dimension politique et sociale (mais « sans rien qui pèse ou qui pose » !) avec justement « Où poser les pieds », sorte de fiction loufoque et cauchemardesque, où, pour le 14 juillet, « on enlève » « tous les couchés », ces scandaleux sans-abri jonchant les trottoirs !
Autant de pages insolites (qui ne tremblera de tomber, comme le narrateur, « au fond de [sa] poche » !) où, pour le plus grand plaisir (et l'instruction !) du lecteur, l'humour vient philosophiquement servir - et faciliter - le passage « de l'autre côté du miroir ».


Claude Albarède, Concerto pour marées et silence, n°9, 2016

Le poète Guy Chaty publie ''J'avais quelque chose d'urgent à me dire'' aux éditions Henry dans la collection ''La main aux poètes'' et, sans doute, nous le dit-il, afin que nous le lui rapportions, il est si distrait, ou absent, parfois, comme absorbé. Il y a de quoi : ses angoisses le poussent à exister ! C'est pourquoi il ne laisse rien sous la couvrante : tout est à l'air de rien, c'est-à-dire à tout, et qui touche au but : le dédoublement de soi, certes, si confortable on pourrait croire, mais dont la soie se double d'une rude étoffe de vécu, l'écorchement cicatrisé, en quelque sorte. Même si la nuit enfin venue, il peut se réfugier dans deux bras grands ouverts, c'est toujours dans le ''moi'' qu'il se trouve. Et il a beau emprunter tous les escaliers du monde, les échelles de corde salvatrices, rien ne peut le délivrer de soi-même. Même les livres qu'il sait lire et écrire, le laissent dans une solitude désespérée. Il est vrai que les mots ne lui font pas de cadeaux, et cauchemardisent ses nuits d'ivresse. Et il est évident qu'il lui faut multiplier les interrogations sans réponse, pour pouvoir se persuader qu'il existe vraiment, et s'accepter, étant vivant. A quoi le poussent-elles, ces interrogations ? Mais toujours à lui-même, bien sûr, c'est-à-dire à tout ce qui le rencontre dans son existence désabusée, puisque « les inhumains ont envahi la terre en convulsion », et on ne sait plus « où poser les pieds ». Humour grinçant, certes, mais textes tissés à la bonne soie naturelle, celle qui laisse voir parfois un trou dans la poche pour aérer le malaise : « Je suis tombé dans ma poche. La chute est longue. Il n'est plus question de chercher.
Tout ce que je peux me demander, c'est : où vais-je arriver ? »


Jacques Morin, Décharge 170, Poésie revue, juin 2016

Dès le titre, on le sait, on le sent, c'est du meilleur Chaty que l'on tient là. Et on n'est pas déçu ; c'est sans doute ce que je préfère dans sa production : son côté absurde est des plus goûteux et des plus savoureux. La 4ème parle d'elle-même : Je suis monté chez moi. / J'ai sonné / Personne./ J'étais sorti. Le dédoublement, quand on joue sur l'humour comme Guy, est un régal. Le coma, la chute dans la poche, l'échelle de corde...on entre parfois dans une sorte de fantaisie poétique tout à fait étonnante. La seconde partie, plus brève, change d'optique : de soi aux autres. Où poser les pieds montre un monde de rampants, de couchés, foulés par des piétons indifférents, une vraie parabole de notre société moderne. Le livre est une réussite d'un bout à l'autre.


Valérie Canat de Chizy, Verso 168, mars 2017

Guy Chaty nous propose de courtes fictions en prose, chaque texte tenant sur environ une page et demie. Ce sont des textes qui abordent la relation à soi, à l'autre en soi, au double, mais aussi aux autres. On retrouve dans plusieurs textes une forme de mise à distance, comme si le narrateur s'observait d'un point de vue extérieur. On peut y voir une certaine dérision vis-à-vis des tourments de l'existence. L'auteur imagine ainsi qu'il est dans le coma, ou bien que, dans une nuit d'insomnie, s'ennuyant avec lui-même, il commence à se manger pour s'occuper. La question du dédoublement apparaît souvent. Cela peut s'expliquer par la profession de l'auteur, qui fut enseignant, et qui dut donc se créer une façon d'être face à ses élèves, ou bien par son activité théâtrale. Je est un autre. Il y a soi, et le personnage que l'on se crée. Ou bien, il peut s'agir de la double personnalité, ou encore d'une mise à distance de "je". Ce thème du double semble passionner l'auteur ! J'ai un double. Nous avons chacun notre vie et nous retrouvons la nuit pour parler de notre cheminement. Parfois, le je et son double sont séparés, parfois, il se retrouvent et ne se quittent plus. Je suis dans moi ! j'y reste /prisonnier/parfois je tente/une sortie/c'est là que je me trouve/puis je reviens en moi/apaisé. J'ai trouvé ce recueil intéressant. Une façon d'aborder la relation à soi avec distance et dérision.


Gérard Paris, IHV 57, avril 2017

Lutter entre présence et absence, entre existence et inexistence, tel est le dilemme du héros de ce recueil.
Face aux paroles de mère castratrice, face à la révolte du "moi", face au vide existenciel ou aux cauchemars, il faut se constituer un rempart, un espace intérieur. Toujours en marge, en lisière, au bord d'un trottoir, d'un tunnel, d'un trou, entre irréel et angoisse, telle est la position du poète.
L'homme prisonnier de lui-même, se servant parfois de subterfuges comme le dédoublement du professeur ou du comédien : Alors je me confonds avec moi-même pour en profiter pleinement, je ne fais plus qu'un, un heureux !
Comment reconstituer l'être morcelé, telle est la question de Guy Chaty, entre comique et tragique.


Voix au Prix 2017 du Poème en prose Louis Guillaume Au cours de sa réunion du 27 janvier 2017, le jury a décerné le Prix du Poème en Prose Louis Guillaume à : Françoise LISON-LEROY pour Le silence a grandi (Éd. Rougerie), par 5 voix contre 3 à Hélène DORION pour Le Temps du paysage (Éd. Druide).
Ont obtenu des voix lors des premiers tours (par ordre alphabétique) :
- Guy Chaty pour J'avais quelque chose d'urgent à me dire (Éd. Henry),
- Janine Modlinger pour Beauté du presque rien (Éd. Ad Solem),
- Pierre Nepveu pour La Dureté des matières et de l'eau (Éd. du Noroît),
- Jean-Baptiste Pedini pour Le Ciel déposé là (Éd. L'Arrière-Pays),
- Frédéric Tison pour Le Dieu des portes (Éd. Librairie-Galerie Racine). id="loups" class="ancre_interne">

A propos de Les loups, Editions Transignum, 2017




A propos de IHV55,

Alain Lacouchie, Friches 121, juin 2016

Revue thématique. Pour ce numéro, dont le responsable était Guy Chaty, le thème, les « Lisières ». Dans sa préface, il écrit : « les poètes présents dans ce recueil vont souvent exprimer des sentiments forts d'être au bord de quelque chose : un état, une conscience, une intuition ».
Trente huit poètes et autant d'écritures, sans parler des traductions de l'espagnol ou du roumain. Sans oublier, non plus, les illustrations : photos de J.-F. Cochelin et L.Izard, collages d'E. Biedermann, dessins de B.Gaudy. Un voyage chamarré à travers le sujet proposé, un festin de mots. Et pour finir, une rubrique intitulée Chroniques et notes de lecture. Donc, toujours cette bonne revue que nous connaissons bien.



A propos de Apocalypse au pays des merveilles

in introduction de Daniel Leuwers, Le livre pauvre entre l'Alpha et l'Oméga, Une lecture de l'Apocalypse, Ville d'Angers 2016

...sur une grande toile cirée, Guy Chaty, au milieu des compositions de Wanda Mihuleac égrène tous les maux (et mots) de notre présente Apocalypse : Hiroshima, Tchernobyl, Fukushima, l'agro-alimentaire, la haine de l'autre, le "catastrophisme", le "Pédophilus vomiscum", le "Allaouite/Allah non". Feu d'artifice sur une table de cuisine où le mal ne manque pas d'appétit.



A propos de INCARTADE

in Ouest France Vendredi 24 août, à partir de 20 h, soirée lecture « Incartade » à la Maison d'Hippolyte avec Guy Chaty et Dominique Deboffle. Durée : 1 h. Entrée gratuite. 30 places. Poésie surréaliste à la Maison d'Hippolyte Quimperlé

.À la Maison d'Hippolyte, vendredi soir, Guy Chaty, poète et responsable de la revue Poésie première, lira, entre autres morceaux tirés de son oeuvre poétique. Ainsi que certains des textes qu'il a écrits sur les figures du tarot imaginées par Dominique Deboffle. Un binôme irrévérencieux, qui s'est lié sur ce projet de cartes à jouer pas comme les autres. Des cartes qui tutoient l'imaginaire et se confondent dans l'univers poétique de chacun de ces hommes, tellement cartésiens dans leurs parcours professionnels respectifs, mais pour le moins artistes. Dans son dessin, Dominique Deboffle donne une teneur surréaliste au traditionnel tarot. Il a non seulement revisité le graphisme de 39 cartes, mais aussi réinterprété ce qu'elles véhiculent, tout en respectant les valeurs que le soleil ou la lune doivent porter. Si l'on tire le chariot, c'est la constellation (et non le char) qui apparaîtra. En écho et dans le reflet de l'illustration, les mots se posent comme l e temps d'une pause : « Ne t'inquiète pas mon petit chat, papa est parti faire un tour dans l'espace en chariot. Il s'ennuyait à la maison, il fuit les casseroles. Je reste en contact par SMS. » Alors si leur version se veut fantaisiste, c'est pour faire rêver celui qui voudrait se laisser conter des vers qui versent si bien dans la réalité et le surréalisme. Véritable passionné des jeux de cartes, Dominique Deboffle, Parisien installé à Moëlan-sur-Mer, est par-dessus tout peintre numérique. Il ne travaille que via son média fétiche : un logiciel de dessin vectoriel, qui lui donne toutes les souplesses et libertés de retoucher et d'agrandir à volonté, ctandis qu'il fait oeuvre de spontanéité en amont.

A propos de COQ-ART

Jean-Paul Giraux Poésie sur Seine, n°101

Textes de Guy Chaty sur 15 images de Wanda Mihuleac, Editions Transignum (50 exemplaires présentés sous emboîtage en carton)
COQ-ART participe d'une autre démarche* qu'on qualifiera de tricolore. Ici le coq est en représentation sous les formes les plus cocardières (« Allez France ! »), avec un goût prononcé pour la trilogie bien française inscrite dans son drapeau, mais sans pour autant cracher sur le rêve américain ou renoncer à faire l'ouf. On le voit s'affubler des oripeaux les plus divers - Christ en sautoir, masque de carnaval, rubans tricolores etc. - et même s'acoquiner avec quelque rapace qui pourrait bien être de la finance. Bref un coq plus ou moins chic, porteur de « coq-harde », aux mollets cependant contestables (mollets de coq, évidemment) et qui porte avec ostentation la France sur son cour. L'humour de Guy Chaty n'a pas de mal à s'exercer sur ce « Coq-UBU », volontiers travesti, qui semble avoir oublié que c'est la poule « qui fait l'oeuf ».)
* Cette note suivait celle sur "Le choc du clic", voir ci-dessous

A propos de LE CHOC DU CLIC de Guy Chaty et Laurence Izard


Jean-Paul Giraux Poésie sur Seine, n°101

Dans cet ouvrage d'art à tirage limité (ici 100 exemplaires numérotés), Guy Chaty est le maître des mots. Chaque jour, pendant six mois, il accompagne les « prises de notes » photographies de Laurence Izard dont il présente, pour chacune, un commentaire elliptique. Non pas un constat - ce serait trop facile ! - mais une interprétation originale qui prend souvent le lecteur à contre-pied et qui constitue une véritable participation au sujet que la photographe a choisi de mettre en scène. Ici, un corbeau est perché, immobile, sur un câble électrique qui traverse un fond de ciel bleu : « Où aller maintenant ? » s'interroge en surimpression une bulle facétieuse. Ailleurs, sur un fond verdâtre et froid, un verre vide reçoit dans la bulle qui l'accompagne le commentaire suivant : « absence d'absinthe ». Voici à présent la reproduction photographique d'un trottoir lézardé vu de haut. Le commentaire s'impose : « poussée du poussin dans l'oeuf ». Il faut y aller voir. Le coup d'oeil de la photographe et la force elliptique du trait de plume qui l'accompagne réjouiront le lecteur.

Bernard Fournier

Il est difficile de rendre compte d'un tel livre d'artiste, tant il foisonne de mots et d'images. Sur un temps de six mois, dûment datés, chaque page nous offre une image et un texte ; texte très court pour nous faire réagir. Des rails de métro qui sont une « invitation au voyage », un mur de briques : « Accueil » ; des lettres de lumière : « constellation d'étoiles » ; un grillage d'arbre « cendrier de luxe » ; deux verres de vin : « seins coulants » ; etc. La dernière, du 26 juin nous offre une station de métro vide avec à la place du nom de la station « trop c'est trop ». Et ce serait six mois de trop. Mais je ne dis rien des photographies en couleurs qui disent quelque chose de notre quotidien, le plus souvent à ras de terre, nous forçant à l'humilité. Les textes de Guy Chaty, on le voit, savent tirer de ces images le mot qui fait choc, avec le déclic de la photo. Beaucoup d'humour ici, un livre réjouissant.

Basile Rouchin

Dans ce beau livre coréalisé par deux artistes et paru dans les éditions dirigées par Wanda Mihuleac, Guy Chaty légende les photographies de Laurence Izard. « Ces situations captées », ces instantanés prélevés sur la vie, « interpellent », souligne la photographe. Ils constituent la première onde de choc. La seconde secousse relève de la rencontre de l'image et du texte en vue de « surprendre le lecteur, le déconcerter ou l'amuser » (Guy Chaty). Clics/chocs. D'emblée, ce livre chic se place sous le signe de la brièveté et de la régularité. Chaque jour, de janvier à juin 2018, un cliché est réalisé sur le modèle du calendrier grégorien (une allusion au cycle figure cependant dans le recueil, cf. « La roue tourne aussi, chez les pavés », le 14 février). Les photographies prises essentiellement en Ile-de-France sont accompagnées de petites pastilles colorées - gommettes collées sur de l'éphémère, pupilles ouvertes sur le furtif dans lesquelles figurent les clins d'oil textuels humoristiques et poétiques. Ceux-ci se déclinent en quelques mots et pour la plupart, sont dénués de verbe. Ils s'insèrent dans les tons de l'image sans coller à son sens premier. Guy Chaty précise à cet effet, ne pas se livrer à « une interprétation immédiate » des photographies. La trouvaille, le déclic s'effectue en « décalé ». Malgré quelques clichés mettant en scène des statues et une probable gargouille (cf. les 08, 18 et 25 février, le 8 mars et le 8 avril), on note l'absence de visages vivants dans la sélection des photographies. Ce parti-pris pourrait s'expliquer ainsi : le droit à l'image contraint à être vigilant sur ce qui est diffusé. Qui plus-est, la précarité n'est pas un spectacle. Avez-vous vu un « tenteur » prendre la pose (cf. le 03 mai) ? Pour autant, l'être humain apparaît de différentes manières, notamment par ses extrémités - crâne, cheveux, pieds et mains (cf. les 21 janvier, 24 février, 10 mars - la main de Guy Chaty ? -, 07 et 25 avril, 03 mai) ou vu de dos - assis au théâtre, au concert, au travail (cf. les 20 février, 30 et 31 mars). Sa présence se manifeste aussi de manière fugace - ombres, silhouettes, reflets (cf. les 04 et 19 janvier). Il peut figurer à l'état « résiduel » sous forme de mégot, de verre vide, ou d'un reste de chips... (cf. les 11 février et 18 mars, le 05 et 27 avril), voire être noyé dans la foule (cf. le 10 mai). De plus, quelques textes traitent de l'anatomie et du désir : « Seins coulants » (cf. le 18 avril), « Intestins en stock » (cf. le 22 janvier), « Barbes blanches » (cf. le 05 février), « Turgescences » (cf. le 17 avril), « Potelet excité par de gros sacs » (cf. le 14 avril), « Des yeux dans le tourbillon » (cf. le 02 avril). Évoquons ensuite ce corps sans tête, en équilibre sur une rampe au bord de la Seine (cf. le 09 juin). Un verre à demi-plein est posé sur son entrejambe. Corps amputé en lévitation ? en attente ? La photographie est sous-titrée : « Quête ». Un angle de lecture nous est ainsi proposé : la quête du vivant dans la ville. Tout d'abord, il convient de noter que les prises de vue sont majoritairement faites en milieu urbain (les 1, 6 et 8 arrondissements de Paris, la ville de Rueil Malmaison et quelques municipalités de proche banlieue situées dans les Hauts-de-Seine et les Yvelines). Si le fleuve en crue (la Seine) semble abolir quelques frontières (cf. « Effacement d'un mur », le 25 janvier), la ville se caractérise par une certaine inhospitalité. « L'accueil », couleur muraille, plus froid que discret (cf. « Accueil », le 03 février), se teinte même d'hostilité avec la présence de piques agressifs (« Incitation à l'éloignement », le 19 mai), de « rayurbaines » (cf. le 04 juin). Son gigantisme aux formes saillantes effraie, glace le sang (cf. le cliché du nouveau palais de Justice légendé « rasoir pour Gargantua », le 01 avril). Le passage s'avère étroit et l'accès à la ville difficile, mais la faille demeure comme le suggère la « vérité de la palissade » (cf. le 18 juin). Ainsi, comme des ombres en attente, serrées les unes contre les autres, au milieu des nuages, se trouvent « Les migrants au bord du mur » (cf. le 10 mai). Enfin, le rythme impitoyable, trépidant des mégapoles et la foule indifférente sont évoqués à travers la « vie du rail » (cf. le 08 juin). Les lignes (voies ferrées/ destinées ?) en viennent cruellement à s'effacer. Les libertés fondamentales y sont bafouées (cf. photographies en miroir du 12 et 13 février. Dans la première, légendée en rouge « Circulez », des grilles Vauban sont comme entrelacées. Dans la seconde, intitulée « Mai 68 », des sacs de pavés sont alignés. Sont-ils de nouveau prêts à l'emploi ou relèvent-ils définitivement du passé ?). De même, « Les dessous de la République » ne sont ni affriolants, ni glorieux (cf. le 08 mars). La proximité des termes « liberté » et « cirque » laisse perplexe. De plus, ces dessous arborent une couleur jaune : couleur « primaire » qui fera parler d'elle, un an plus tard, dans la France entière ! Quant à la « Liberté de la presse », elle n'est plus qu'un vain mot sombré dans le caniveau (cf. le 13 avril). Sur une image désignant une fenêtre en bois aux contours écaillés et munie d'un store en lambeau, le message est clair : « Accroche-toi ! » (cf. le 14 juin). Ici, les vies ne tiennent qu'à un fil. L'attraper fermement en prenant de la hauteur, n'est-ce-pas le pari réussi et audacieux de ces travailleurs suspendus à la cime des arbres ou en rappel sur les façades des immeubles (cf. « Un homme branché », « Travail par ciel », le 20 février et le 15 mars) ? L'animal (oiseau) et le végétal (arbre) doivent aussi lutter pour survivre dans l'espace urbain. Chacun développe sa propre stratégie. Autrement dit, comment trouver sa place quand le « Type d'espace vert parisien » désigne des passages cloutés et une signalisation au sol (cf. le 12 janvier) ? N'est-ce pas vivre sous la dictature du bitume ? La présence de l'arbre est-elle souhaitée ? Que devenir quand le macadam étend son empire sur la chaussée au point de tronçonner l'arbre « Pour dégager le paysage » (cf. 05 mars) ? Cet homme évoqué au point de départ de notre réflexion, affublé d'un corps sans tête (cf. le 09 juin), ne ressemble-t-il pas à s'y méprendre à cette souche dépourvue de tronc ? Par ailleurs, comment durer parmi la pollution (cf. « Tous les feux sont au rouge », le 20 janvier), le pied enchaîné à des grilles métalliques alors que l'arbre constitue par sa rareté, son utilité et sa beauté, une précieuse richesse (cf. « Cendriers de luxe », « Porte-feuilles », le 18 mars et le 06 avril) ? Au pire, l'intéressé peut-il continuer à croire à une « Évasion d'arbre » (cf. le 26 janvier) et retrouver les siens, dans l'élément terre (cf. « Rentrés dans l'ordre », le 22 avril) ? A contrario, n'est-il pas relégué par un savant fou (l'homme) au rang d'un symbole stérile ? Ne devient-il pas du sacré figé, sans avenir (cf. la belle image floutée prise dans le reflet d'une flaque ? Derrière une vitre en hiver ? : Photographie sous-titrée « Les fruits givrés de la connaissance », le 27 mars) ? Le végétal occupe ainsi une portion congrue en milieu urbain et les oiseaux, de leurs côtés, subissent les conséquences de cette quasi disparition (cf. « Vert pomme sur pommier sans pomme » du 06 janvier, désigne une perruche sur un arbre nu). Eux aussi tiennent bon mais jusqu'à quand ? « J'en suis réduit aux extrémités » songe un passereau (une linotte ?) posé sur le tronc d'un arbuste coupé (cf. le 22 février). D'une manière générale, l'oiseau apparaît comme désorienté, curieux. Il interroge l'environnement (cf. « Où aller maintenant ? », le 03 janvier). Quitte à provoquer un désaccord, il interpelle ses congénères (cf. « Vous croyez que c'est par là ? » ; « Où est le quai ? Les avis sont partagés », « Bains de pieds, et plus si affinités », le 17 janvier, les 02 et 28 février). Il recherche enfin leurs traces et confirme ses hypothèses (cf. « Ils sont bien passés par là. », le 01 mars). Si l'abeille, « La belle endormie » (cf. 06 mars) attend le baiser salvateur d'une fleur odorante, le peuple migrateur adopte une autre attitude. Corbeaux, pigeons, passereaux, mouettes sont animés par le doute permanent dans une ville où la vie semble capituler (cf. « Fossile de rongeur », « Rat des villes dégouté », 23 janvier et 12 avril). Ces êtres à plumes ont d'ailleurs le privilège de faire des phrases. Elles sont souvent dotées de points d'interrogation et de suspension. Leurs qualités sont à l'image du recueil où photographies et textes s'opposent, se complètent, dialoguent, doutent et débattent.

A propos de A FLEUR DE PEAU

Jean-Pierre Lesieur, Comme en Poésie 79, septembre 2019

En voilà encore un abonné de longue date et qui me rendit visite à Hossegor dans mon ex-garage aux poèmes, Guy Chaty, qui publie chez Gros Textes, un éditeur cher à mon coeur, A fleur de peau. Vous avez pu le lire souvent en ces pages, même en ce numéro, et apprécier l'humour parfois grinçant qui anime ses textes, souvent courts. Jean l'Anselme observe : Sérieux et humour se trouvent là en parfaite harmonie, et c'est important quand on porte l'étiquette d'un acrobate des mots de pouvoir prouver qu'on peut aussi jouer la tragédie

Claude Albarède, à paraître dans Diérèse

Comme il a toujours été à fleur de peau des choses de la vie, sachant cueillir avec humour et tendresse les buées revigorantes ou amères des évènements, le poète Guy CHATY vient de publier aux éditions Gros Textes : A FLEUR DE PEAU, recueil de courtes proses épidermiques qui savent approfondir sans le paraître les questions qui nous hérissent le poil.
C'est d'abord au fil du streep-tease littéraire l'apparition effleurés des contacts dans notre solitude exaspérée par le surpeuplement et l'abondance : ''l'oiseau inexorable'', ''la femme dans la voiture''...toutes les circonstances qui pourraient faire de la vie un bouquet de fables cruelles que Guy Chaty, en fabuliste exercé, sait effleurer pour donner à voir sous le miroir sans tain :
  Guitare Il avait peur des femmes et les fuyait. Il se méfiait des hommes et les évitait. La seule personne qu'il pouvait tenir dans ses bras, embrasser et caresser, était sa guitare. Était-elle un homme ? Était-elle une femme ? Elle était guitare.... 
Il y a certes du La Fontaine dans l'esprit de Guy Chaty, mais surtout du La Bruyère avec cette écriture qui frappe juste dans l'entre-deux. Dans la juste succession des faits et gestes, après les ''effleurements'', nous dit le recueil, viennent les ''meurtrissures'' surtout quand, comme c'est le cas, la caresse est en dents de scie : « La vie est une chienne à poils roux... » où « Petit-trop et Grand- pas-assez » se rencontrent...et où « on ne pouvait plus compter sur rien » d'autant plus que « les squelettes deviennent racistes », que « tout est automatisé »., qu'on a inventé les « compteurs d'eau », « taxé le soleil » , « pris la pluie pour le beau temps », et vice versa...et que « l'homme essaie de se sauver pour mieux se perdre ». Les ''blessures'', alors, viennent achever ce recueil qui y reprend vigueur.. Il faut y voir non la volonté d'apitoyer le lecteur, mais celle de retourner la fleur de peau, comme ont su le faire les Marcel Aymé, Magritte ou Raymond Queneau de naguère. Là est la destinée de Guy Chaty, cette réalité déshabillée et revêtue de son revers. Une remise en peau et en bleu de chauffe qui fait du bien. Le lecteur en sort regaillardi. Il a fait peau neuve.

Alain Wexler, dans Verso n°180, mars 2020

D'abord la rencontre dans le ciel avec un "oiseau inexorable aux espaces d'ailleurs" dont le ventre enflé portait une vie. Le témoin se précipite chez lui au chaud en rasant les murs;"Mais qu'indviendrait-il demain ?"J'ai souvent été conscient du décalage entre notre monde et celui des oiseaux, si précaire. Les bulles, c'est tout un monde, on dirait qu'elle se parlent, écrit Guy Chaty. "Il faut les laisser ensemble, la solitude leur serait fatale", ajoute-t-il. Sur les pas du héros de Victor Hugo, ce vagabond qui marche depuis si longtemps, il a froid, il a faim, il espère trouver le curé, il imagine la scène...L'église est fermée, le presbytère a été vendu à un artiste fortuné."Au pied des clochers, les clichés sont perdus. Avec le Compteur d'air, Guy Chaty a écrit une fable moderne qui dénonce le Dictature Financière. Celle-ci décide de faire payer l'air que l'on respire. Donc chacun portera un compteur d'air, sorte de masque à gaz...Dans une autre fable il imagine que l'on nous fera payer aussi le temps passé au soleil. Un livre atypique. Du plaisir à l'état pur!

Maurice Cury, à paraître dans les Cahiers du sens

Quel étrange animal que ce Guy Chaty : il écrit des textes en prose autant poétiques que marqués au coin du non-sens et qui ne ressemblent à aucun autre. Mais ces textes finissent par faire sens car Guy Chaty est un moraliste autant qu'un humoriste. Jean l'Anselme écrivait de lui qu'il était "un acrobate des mots pouvant aussi jouer la tragédie". Car l'univers de Guy Chaty s'il est paradoxalement poétique est aussi celui d'un homme généreux qui sait s'indigner des injustices et des préjugés sans en avoir l'air mais aussi très clairement.

Alain Lacouchie, à paraître dans Friches

Prenons un exemple : « La vie est une chienne à poils roux qui traverse la campagne sous la pluie. Elle fabrique des petits chiots. » Le titre de ce court texte tiré du recueil de Guy Chaty : « Chienne de vie ». Au début, on se dit : « c'est marrant, surréaliste peut-être » et puis, progressant dans la lecture, on s'aperçoit qu'il y a, sous cette apparente frivolité, un socle de sérieux, une pensée ; une philosophie ?
Apparemment, le chat de Guy Chaty, Titus, parle. L'auteur ne voit pas ce qu'il y a d'étonnant à cela. Il nous explique simplement (après un développement que vous lirez vous-mêmes) que « maintenant, Titus se mêle fréquemment à la conversation . » Un dernier exemple de ce que ce poète est capable d'écrire : « Les quatre jésus » ; un texte de quatre pages qui commence ainsi : « Contrairement à ce que certains croient, Dieu n'a pas réussi du premier coup son envoi d'un fils sur la terre. » Que dire ? C'est un véritable régal que cette finesse du trait qui court au long des pages, un fil d'Ariane qui relie humour et réflexion et qui n'est, au total, qu'une gourmandise !
Au bilan : une cinquantaine de textes divisée en trois groupes : « effleurements, meurtrissures, blessures ». A découvrir en urgence.

Basile Rouchin, Site de la revue Traversées, novembre 2019

Guy Chaty est préoccupé par l'avenir du monde et le fait savoir en traitant de sujets graves avec sourire. Dans un style mêlant méthode, fantaisie littéraire, récit de science- fiction, jeux sur les mots et suspens policier, il réussit avec ce nouveau recueil, à nous tenir en haleine. Touché par les angoisses, les attentes, les besoins et les interrogations qui parsèment le recueil, le lecteur entre dans cet univers sensible, un monde recouvert d'une fine pellicule. Une sorte de moi-peau parcheminée et servi par une écriture qui déride. 
Comme le suggèrent le titre et les trois parties du recueil : « effleurements », « meurtrissures », « blessures », la sensibilité de l'auteur revêt une forme épidermique. Écorché vif à l'émotivité bien maîtrisée, Guy Chaty a le poil qui se hérisse devant les injustices du monde : « L'égoïsme fondamental n'a pas d'avenir ». Mais d'autres travers sont égratignés, tels que l'intolérance (« Le racisme chez les squelettes »), la perversion (« Bien dans sa peau »). /br> Pour parler de cette transformation sociale sans effaroucher son lecteur, Guy Chaty utilise des voies détournées, des itinéraires bis. Le bestiaire en est un. La description de mours de peuplades imaginaires agissant comme des miroirs déformants, tendus à des congénères dits civilisés et apprentis sorciers, participe aussi de cette peinture.
Dans sa démonstration, l'auteur fait le tour de la question qui le préoccupe, énumère des exemples, travail sur l'acception d'un terme (« peau »), recherche expressions, arguments logiques ; accumule les preuves pour cerner le sujet et lui conférer force et véracité. L'objectivité du ton, le style parfois bureaucratique (sigles, formules toutes faites), l'utilisation du « nous », contribuent à lisser le sujet. Cette infaillible perfection laisse alors.songeur. Et la poésie dans tout cela?
Cette métamorphose touche aussi l'individu, mû par des forces obscures, organiques (« Le monstre par morceaux », « La femme dans la voiture »). L'individu perd-t-il simultanément le contrôle de lui-même et la maîtrise de son environnement ? « Participons à cette mutation de l'homme qui prend le risque de devenir un nouvel être, pour se sauver ! ou se perdre » (cf. p 67).
Néanmoins, le discours scientifico-financier, poussé à outrance, dévitalisé, a pour effet de légitimer cette poésie et de préserver notre besoin de beauté, d'humour et de liens affectifs.
  Plus que la peur et la terreur, joie et plaisir sont aussi source de frissons. L'homme isolé, réifié de nos sociétés automatisées, programmées, semble avoir la nostalgie du contact humain et de l'expression première, vitale (« Métro moderne »). Et si la peau était le moyen de se relier les uns aux autres (caresse, rire, contacts affectueux mais aussi cruauté, morsure, griffure) plutôt que de crever de solitude dans son coin ? C'est grave dr Chaty ? Grave, triste mais drôle. En singeant Knock, on pourrait dire que « ça chatouille et gratouille » en même temps. 



A propos du DVD "Guy Chaty fait son cinéma", réalisé par Philippe Masson, 2013

Basile Rouchin, 5 mai 2013

Un extrait est paru dans la revue Portulan n°17, décembre 2014

Après avoir mis lui-même en scène ses poèmes (au théâtre), après les avoir mis en ligne (sur son blog), Guy Chaty les propose ici, en DVD. Peut-être envisagera-t-il de les mettre un jour en orbite ? Poèmes météorites qui nous tomberont dessus à bon escient, au moment opportun pour ne pas oublier leur message, et pour ne pas oublier leur auteur. Poèmes satellitaires qui viendront de temps en temps (dé)brouiller les ondes de nos conversations banales, futiles et sans fin avec nous même ou avec les autres et dont le propos nous amusera ou nous alertera en cas de désespoir (« Le film ») ou d'aveuglement (« Là, c'est l'Amour »). Pour que la poésie demeure dans nos existences parfois ternes, souvent routinières : il est bon que « l'esprit » de Guy Chaty ne s'éloigne pas trop de nous. Aussi saisissons-nous de cette occasion de mieux le connaître. Il a tant à nous dire, avec attention et légèreté. En ami-poète.
Il convient tout d'abord, de rappeler que pour diffuser leurs textes -hors les circuits traditionnels de l'édition-, les poètes pratiquent généralement la performance, la lecture publique, l'interview, le livre audio, l'interprétation musicale réalisée par des artistes et ce, pour les plus renommés d'entre eux.
Guy Chaty, quant à lui, choisit de passer derrière la caméra pour dire, jouer ses propres textes. Ce n'est pas fréquent et le naturel qui le caractérise dans ce support cache un travail important constitué de mémorisation de ses textes, de mises en scène, de répétitions. Sont aussi rassemblés en un même homme, l'artiste, l'acteur, le poète et le professeur (voir le blog de Guy Chaty).
Ce montage récent (2013) réalisé par Philippe Masson, est étonnant. Par ce canal, la projection dans l'univers poétique et quotidien de l'auteur en est bien sûr facilitée. Ceux qui le fréquentent seront surpris comme ceux qui ne le connaissent pas. Les premiers pensant savoir feront des découvertes, les seconds ignorant tout de cet artiste, verront en lui, comme un proche, un homme accessible, chaleureux, critique. Pour les uns comme pour les autres, les questions auront tout intérêt à rester ouvertes : un homme ne se réduisant pas à ses productions de quelques natures qu'elles soient. Une partie de « L'esprit » de Guy Chaty est quelque part dans ce tournage - une partie seulement- Le reste nous échappe et c'est bien, à l'heure où sévissent téléréalité et dictature de l'image.
Le DVD se décompose donc en trois parties : « La vie en raccourcis », « Contes pétris », « L'âme des pierres ». Il dure environ 80'.
Saynètes enchaînées, petits sketchs, scènes de tous les jours constituent la matière de la première partie ou partie première. En effet, elle paraît être la plus aboutie techniquement et la composition des rôles s'y avère la plus complète et la plus complexe. Elle est aussi la plus longue.
Les poèmes sont extraits de sept de ses recueils écrits entre 1979 et 2008. Ils ont été reproduits dans leur version originale. Ainsi, suit-on Guy Chaty du lever au coucher, de l'aube au crépuscule. Les poèmes coïncident avec les temps d'une journée qui représente elle-même, l'existence. Aussi, il est question de la toilette du matin (est-ce aussi un foetus jouant du cordon qui est à l'écoute du monde avant de pousser le grand cri ?) dans « La douche de téléphone », du temps (« Les marches », « Hymne », « Le film », « Excusez-moi d'être vieux »), des plaisirs (« Accoutumance », « La charmeuse ou la fête des flûtes »), des voyages (« Le sens de la marche »), de l'amour (« Là, c'est l'amour », « Une nouvelle particule », « L'évier et le robinet »), de la solitude (« Un homme qui boit », « CAO »), des croyances (« Dieu, et si c'était », « Je ne sais pas »), des comportements (« Décence », « Légèreté innocente »), de l'Art (« La cuisine et le théâtre », « Ma violence », « Mots couleurs ??), de la nuit et des cauchemars (mais aussi par extension de la nuit universelle loin « des jours des rêves ») dans « La nuit les corps se vengent ».Le couronnement de cette série étant incarné par le poème « La vie, c'est comment ? ».
Bon nombre de textes sont accompagnés de musique qualifiée d'ambiance (« Accoutumance »), de classique (« La cuisine et le théâtre »), de folklorique (« La charmeuse ou la fête des flûtes »). Mélodie à la guitare, au piano, air de clavecin, morceaux de percussion agrémentent des textes cocasses, légers, graves, inquiétants, absurdes, tendres : différentes tonalités pouvant concerner un même texte.
On notera la diction impeccable de l'auteur et sa capacité a gardé le rythme notamment sur un air de rap (« La nuit les corps se vengent »). Les paroles se calent alors sur la musique et le poète-insomniaque tourne et se retourne dans son lit tel un break danseur avant d'exécuter un rap mémorable, envoûtant, vêtu d'un col blanc, sur fond de flammes. Après une journée de labeur, le corps fait la grève du sommeil.
Parfois, des rires enregistrés (« La douche de téléphone ») ou des applaudissements (« Une nouvelle particule ») soulignent les jeux de mots de l'auteur voire les conclusions d'une démonstration pédagogique.
Rappelons que le registre est celui de la comédie. Autrement dit, Guy Chaty rit de nous et pratique aussi l'autodérision. Faire son cinéma, c'est sérieux, drôle, profond mais aussi dérisoire comme toute affaire humaine destinée à passer à la trappe de l'éternité. Comprenne qui pourra !
Acteur, Guy Chaty se qualifie aussi de spectateur de la vie et a fortiori de la sienne (« Le film », « Excusez-moi d'être vieux »). Le spectateur qui visionne le DVD derrière son écran peut-il en dire autant de son rapport à sa propre vie ? A La vie en générale ? Mieux, est-il un peu acteur dans les limites autorisées par notre condition d'humain? Guy Chaty est passé par là et sans prétention aucune ni propos moralisateurs, il a son / ses mot(s) à dire.
Techniquement, les effets spéciaux sont bienvenus et sobres (éclairs mauves lors d'une hydrocution, fumée de cigare, paysage défilant à la fenêtre de l'appartement, danseur miniature sur la main du poète-rappeur). Pas de tape-à-l'oil inutile, pas d'effet gratuit. Guy Chaty écrit et joue juste. Les points de vue adoptés par le réalisateur Philippe Masson reflètent la variété des centres d'intérêt du poète et son épaisseur. Il filme l'auteur sous tous ses angles : portrait en miroir, déformé, diffracté, en gros plans pour poète déguisé, apparaissant dans son plus simple élément, en peignoir, en bras de chemise, en robe de chambre ou affublé d'une toque, d'un chapeau, de lunettes pour regarder en 3D (« CAO ») voire de son éternelle casquette ou à différents âges de sa vie (« Le film »).
Aussi le poète apparaît tantôt dans son intérieur, tantôt dans le flux du monde. L'un dans l'autre, il semble dans son élément : familier et singulier en même temps. Il se dégage d'ailleurs de l'authencité dans ce portrait aux multiples facettes.
La transition entre « Une légèreté innocente » et « L'évier et le robinet » est toute en finesse, presque imperceptible. La reprise de la musique du générique s'effectue dans le poème-apothéose « La vie c'est comment ?», nous menant ainsi sans heurt, vers la fin.
Entre le premier et le dernier texte, le spectateur a été lui aussi « emporté par le courant » : celui de la vie dont il est question et qui irrigue ce montage, celui du film, un doux courant qui fait dériver puis revenir à quai.
Les « Contes pétris » reprennent des écrits parus dans deux recueils de l'auteur : « Phonèmes en folie » (2008) et « Des mots pour le rire » (2000, 2009). Plus précisément, il existe une rubrique du même nom dans ce dernier recueil d'où sont extraits « Les gâteaux » et « Les cheveux ». L'auteur installé confortablement dans son fauteuil entouré de livre, une pipe à la bouche, lance avec malice des petites « histoires brèves », « aphorismes « , « chansons » : textes courts retranscrits sur l'écran. Une petite musique joyeuse est reprise entre chaque changement de page et l'annonce d'une nouvelle phrase. L'humour s'y déploie sans méchanceté et sur des sujets variés relevant des domaines du corps et de l'esprit : érotisme, gourmandise, psychanalyse, religion.
« L'âme des pierres » (textes extraits chronologiquement du recueil éponyme, paru en 1993) se présente comme une sorte de promenade dans différents endroits de PARIS. L'auteur-marcheur nous invite à re(découvrir) des statues disséminées dans la ville, sous les arbres, sur des devantures de murs, aux abords des boulevards, au milieu des fontaines. Guy Chaty sillonne la capitale et se pose aux pieds des statues avant de dérouler son poème-photographie.
En effet, des scènes émouvantes, violentes, se passent sous nos yeux distraits de promeneurs ou de conducteurs pressés. Il s'agit de scènes d'un autre âge, arrêtées à un moment décisif et reflétant les contradictions humaines (« l'innocence diabolique »).
Le travail est mené patiemment avec précision et persévérance au gré des caprices de la météo (« les cieux d'ardoise » in « Passage ») et du vol incertain de pigeons (« Sans main »). Après chaque étape, à la fin de chaque texte, la caméra remonte systématiquement vers le ciel. On s'interroge : « les pierres » ont-elles perdues leurs âmes au point de ne faire que des apparitions dans les vies des passants ? A qui la faute ? Le proverbe « triste comme les pierres » semble mal-à-propos après cette déambulation poétique. N'est-ce pas plutôt notre regard qui est triste, « indifférent » ? Par conséquent, ces statues continueront à s'exposer nues, corps et âmes à des riverains préoccupés, médusés par leur soucis ou leur image voire pour certains, un brin exhibitionnistes?
A toutes fins utiles, l'amateur de poésie devra se méfier, une fois arrivé à cette partie du DVD. S'il n'y prend garde, il se pourrait qu'il se transforme en pierre dotée d'un supplément d'âme.

Jean-Paul GIRAUX, Poésie sur Seine n° 83

On l'aura compris, c'est Guy Chaty lui-même, auteur et acteur, que Philippe Masson a choisi de mettre en scène dans un spectacle inventif dont plusieurs des meilleurs textes du poète ont fourni le scénario. Rues, squares, places et jardins publics (qu'on s'amusera à identifier), différentes pièces d'un appartement (que ses familiers reconnaîtront), et même une salle de cinéma (n'est-ce pas logique ?) fournissent le cadre naturel et les accessoires indispensables (miroir, pommes de douche, statues etc.) à cette réalisation en trois parties : La vie en raccourcis, L'âme des pierres, Contes pétris. On ne s'étonnera pas que la dimension humoristique ou simplement narquoise ait été justement privilégiée, mais on verra qu'elle va souvent très au delà d'une transgression gratuite comme on peut l'éprouver aussi bien avec des textes relativement longs qui débouchent sur une réelle émotion (Excusez-moi d'être vieux, par exemple) qu'avec des brèves dans lesquelles à-peu-près, calembours, contrepèteries soulignent l'absurdité et les dérèglements du monde. Une autre façon de découvrir ou de retrouver avec plaisir l'oeuvre de Guy Chaty.

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